ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE et LA PAROLE – Ghérasim Luca

Paris, 1965, ex. unique.
– 50 p. ; 14 x 20 x 5,5 cm ; (ø) – album photo leporello, 50 clichés ; un texte autographe sur chaque face, mine de graphite sur l’album.
– couv. soie tressée ; 25 volets, carton fort blanc.
Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 085 23.

Détails

Album photo japonais sous forme de leporello de 25 volets, deux suites de textes différentes au recto ou au verso.

Plats recouverts de soie japonaise tressée, bleue et orange passé, usures majeures sur les angles laissant le bois apparent.

Photographies collées sur les doublures de carton blanc du leporello, enluminées par Micheline Catti ; 50 photographies, dont 25 paysages japonais (urbains, ruraux, sculptures, scènes de vie) et 25 scènes de genre autour des geishas et de leur quotidien.

Textes autographes à la mine de graphite directement appliqués sur les pages de l’album ; pour la première face du leporello, lecture horizontale, textes en minuscules sous les photographies, alignés sur le côté proche du pli central ; pour la seconde face, orientation verticale puis horizontale, textes en capitales, sous les photo ; page de titre sur le contreplat, signature sous la première photographie.

L’«ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE» s’envisage pour Ghérasim Luca comme un traitement du texte. Si l’ontophonie est le principe sonore à la base de la pensée de l’auteur – «le terme même de poésie me semble faussé / je préfère ontophonie» (Je m’oralise, José Corti, 2018) –, la photographie y apporte un nouvel écho : après avoir pensé la rupture de la distinction entre scriptural et sonore, ces albums y ajoutent une composante picturale. Les boucles tautologiques comme «LA PAROLE COMME MANIÈRE DE VOIR / LA VISION COMME FAÇON DE PARLER» appuient cette indistinction où son, texte et vision se superposent et concourent sans hiérarchie à l’existence de l’objet-livre.

Transcription

Première face :
«[page de titre] ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE / D’UN MANUSCRIT DE LUCA / (LE TANGAGE DE MA LANGUE) / ENLUMINÉ / PAR / MICHELINE / (L’ILLUMINATRICE) / PARIS 1965 /// [signature] /// comment /// placer /// sur une orbite /// sans cieux /// les prunelles /// sans yeux /// de nos orbites /// sans creux /// [double page vierge] /// les lèvres /// sans bouche /// sous des narines /// sans trous /// [double page vierge] /// l’oreille /// à l’orée de l’œil /// la rétine /// à même le tympan /// le dedans /// entre les dents /// et le dehors /// dedans»

Deuxième face :
«LA PAROLE /// [double page vierge] /// COMME MANIÈRE /// DE VOIR /// [2 double pages vierges] /// LA VISION /// [double page vierge] /// COMME FAÇON /// DE / PARLER /// OU /// BARRER /// [passage au format horizontal jusqu’à la fin] (d’un trait d’union) /// LE BARRAGE /// QUI SÉPARE /// L’EAU /// DU FEU /// ET VOYANT /// D’AUDIANT»

Références

– La première face du leporello est reprise dans le texte «D’audiant à voyant», Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 43, transcription ci-dessous. Également repris dans l’album COMMENT PLACER SUR UNE ORBITE SANS CIEUX. Ci-dessous sa transcription :
«Comment placer sur une orbite / sans cieux / les prunelles / sans yeux / de nos orbites / sans creux ? // les lèvres / sans bouche / sous des narines / sans trou ? // l’oreille à l’orée de l’œil / la rétine à même le tympan / le dedans entre les dents / et le dehors dedans ?»

– La deuxième face du leporello est reprise et remaniée dans les Sept slogans ontophoniques (éd. José Corti, 2008) p. 71, ci-dessous sa transcription :
«BARRANT D’UN TRAIT / (D’UNION) / LE BARRAGE / QUI / SÉPARE / L’EAU / DU / FEU / LA PAROLE COMME MANIÈRE DE VOIR / LA VISION COMME FAÇON DE PARLER / BARRENT D’UN TRAIT / (D’UNION) / LE BARRAGE QUI SÉPARE / VOYANT D’AUDIANT»

Remarques

Étonnamment, seul le titre du texte Le Tangage de ma langue est repris alors que le titre mentionne «ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE D’UN MANUSCRIT DE LUCA (LE TANGAGE DE MA LANGUE)» (Le Tangage de ma langue est un texte ancien, première édition à 3 exemplaires ca. 1949 avec gravures de Victor Brauner, retranscrit et lu, publié dans le DVD «Comment s’en sortir sans sortir», José Corti, 2001).