Brigitte Olivier

Dans l’évolution de mon travail, plus particulièrement photographique, j’ai parfois développé l’idée de documents annexes (livres d’artistes, carnets, jeux…) en parallèle aux images et qui pourraient prendre une place indépendante.
D’une façon générale, je me suis attachée, au cours de mes recherches sur le paysage – dans son sens large -, à réaliser des séries, puis des sortes de collections dans l’optique d’accumuler par l’image, parfois par les mots…

Ainsi, certains travaux en cours pourraient progresser grâce à une résidence au sein du Centre des livres d’artistes pouvant me permettre de prendre un temps de réflexion en déplaçant mes codes et mes usages afin d’aboutir des projets pour l’instant au stade de théorie, ou de prototypes.
Ce qui signifie de ne plus voir le livre ou le document seulement comme supports photographiques mais comme objet à part entière.

La résidence est un moment à la fois de réflexion et de passage vers la préparation et la finalisation de l’objet.
Mes projets ont différents stades dans leurs avancements et le temps imparti des 3 semaines de résidence pourra les faire avancer chacun à leur niveau.

Quelques axes de travail à développer partent quasi tous d’un fonds d’images déjà existant.
Questionnaire Moleskine, un questionnaire, sur la base de questions auxquelles il est difficile de trouver une réponse – adressé à des artistes : réfléchir sur plusieurs questions de présentation, autour de chaque carnet / graphisme sur couverture du carnet / différentes couleurs pour chaque question…
Import-export, travail sur liste de noms de « camions » emmagasinés sur 20 ans qui pourrait faire l’objet d’une restitution, études sur l’organisation des noms, le graphisme original, choix des marques de transport, (réflexion sur une répartition… ou, comment créer une suite).
– Photographies, recherche pour une série de cartes postales (principe des points cardinaux ? NB/couleur ?) : à réaliser sur place.
Mémory : j’ai en archives 2 séries d’images (Murmures et Disparition) qui déclinent des motifs répétitifs mais dont chaque sujet est une identité territoriale. Je souhaiterais faire une recherche pour réaliser un jeu de memory – ou « jeu de mémoire » (sélections, essais de nombres, essais d’associations…) et imaginer une boîte-coffre pour chaque série.

Ces projets peuvent encore évoluer d’ici le début de la résidence et s’orienter vers des pistes supplémentaires.

Je souhaite bien évidemment m’immerger dans le contexte du CDLA, de sa collection et de ses expositions ; regrouper les informations qui me seront nécessaires et faire évoluer mes projets dans une ambiance de travail appropriée.

Le temps de résidence de 3 semaines s’échelonnera avec des intervalles, étalés sur l’année 2023 (septembre, octobre, novembre).

18/09/23 ➨ 23/09/23 – 16/10/23 ➨ 21/10/23 – 13/11/23 ➨ 18/11/23

Brigitte Olivier.

Léo Carbonnet & Léonore Conte

Léo Carbonnet est artiste, designer graphique et enseignant. Léonore Conte est enseignante et docteure en design graphique, chercheuse associée à l’université Paris 8. Depuis 2021, ils mènent ensemble des projets de recherche portant sur les pratiques éditoriales des artistes et designer.euses, sur le livre, ses modes de production et de publication, sur l’artisanat et les recherches d’autonomie et de sobriété dans le travail. Durant leur résidence au cdla, ils s’intéressent d’une part à l’organisation de la collection, aux outils de visualisation et de diffusion de ses archives. D’autre part, ils souhaitent interroger la nature formelle du signe typographique et de l’écrit chez les artistes dont les productions éditoriales se trouvent dans les collections du Centre.

Andrée Ospina

Andrée Ospina est artiste-chercheuse, poétesse, bibliothécaire.
Je me demande comment les artistes femmes ou LGBTQIA+ se sont saisis de ce médium qu’est le livre à travers l’histoire – quels sont les formes, les narrations, les discours, les réseaux produits. La connaissance que j’ai des pratiques historiques de l’édition d’artiste concerne surtout des hommes et des pratiques conceptuelles ou « formalistes ». 
Ma pratique intégrant la poésie, et celle-ci étant très présente dans l’histoire du livre et de la revue d’artiste comme dans les mouvements féministes et queers, je m’intéresse aussi aux relations qu’entretiennent édition d’artiste et poésie chez ces personnes, ainsi qu’aux parallèles à tisser entre fanzine et livre d’artiste. 
Me plonger dans une collection telle que celle du CDLA me semble être un bon moyen de mener ce travail. À travers la consultation d’ouvrages et d’œuvres j’entends nourrir ma propre pratique, basée sur l’écrit, la publication et l’image, et me repositionner face à une certaine histoire de l’art. Je souhaite également alimenter le travail que je mène avec la collection BBQ, une bibli itinérante lesBi-Bi-Queer. 

Audrey Potrat

Audrey Potrat ➤19 – 23 décembre 2022.
Dans ma pratique je questionne le paysage dans sa forme visuelle, avec ses masses et ses courbes. Dans des images composées de formes graphiques et texturées je dessine des décors, des lieux et des espaces principalement sur papier et en édition. Dans ces différentes notions je m’intéresse aujourd’hui au territoire comme lieu d’appartenance et de racine. Je m’intéresse au nom des lieux, à leurs coordonnées géographiques, à leurs emplacements comme repère et empreinte dans le temps. C’est pour développer ces notions et répondre à ces différentes questions que j’entame aujourd’hui un travail de recherche théorique et plastique au centre du livre d’artiste.

Anne Balanant

Anne Balanant➤ 18 – 22 avril, 20 – 21 mai, 3 – 4 juin et 1 – 2 juillet 2022
Anne Balanant est bibliothécaire à l’École européenne supérieure de l’image – Angoulême.
Je souhaite réaliser un travail de recherche sur l’histoire du livre d’artiste en Islande.
Depuis les années 50, l’Islande est un terreau fertile pour le livre d’artiste. En témoigne le projet Dulkápan, une collection en ligne répertoriant les livres d’artistes islandais et européens des années 50 à nos jours. L’Islande compte également des collections importantes de livres d’artistes, notamment au Living Art Museum (Nýlistasafnid – Nýlo) de Reykjavík et à la bibliothèque des beaux-arts de Reykjavík. Je souhaite démarrer mes recherches au Centre des livres d’artistes à Saint-Yrieix-la-Perche.
J’ai déjà identifié dans la collection des artistes islandais (Rúri, Erró, Kristján Guðmundsson), ainsi que des artistes ayant résidé en Islande et produit là-bas des livres d’artiste (Dieter Roth, Dorothy Iannone, Roni Horn, Jan Voss, Ben Vautier). Ce premier temps de recherche me permettra de faire un état des lieux des dynamiques et des réseaux qui unissent les artistes islandais aux artistes internationaux. J’envisage dans un deuxième temps de faire un travail similaire en Islande, en explorant les collections mentionnées et en entrant en contact avec l’artiste et amie Brák Jonsdóttir, contributrice d’un projet collectif de recherche sur l’histoire du livre d’artiste en Islande.

Jan Steinbach

Jan Steinbach ➤ 25 mars – 15 avril 2022
Jan Steinbach vit à Zurich. Editeur, designer, doctorant, il a créé le site edcat.net dédié à la publication d’artiste.
La résidence consiste en : une étude de la collection du cdla ; des échanges de données avec edcat (début d’une mise en ligne de la collection du cdla sur edcat afin de diffuser toute information concernant les publications d’artistes) ; concevoir une publication et/ou une exposition à partir de la collection.

Les Éts. Decoux

Les Éts. Decoux, maison de micro-édition bruxelloise, viennent au Centre des Livres d’Artistes (CdLA) avec l’intention d’approfondir une recherche qu’ils sont en train de mener sur les livres blancs. Sous cette notion, il convient d’entendre des publications aux pages non imprimées mais aussi des ouvrages qui, même partiellement occupés de signes ou de formes, demeurent dans une retenue, un repli ou une dérobade face à l’affirmation des mots et des images généralement articulés dans les livres. L’attention se porte donc sur des figures du vide, du silence, du neutre, de la perte… Comme tels, les livres blancs engagent d’autres rapports à la mise en œuvre de livres–matérialités, spatialité…–ainsi qu’aux usages de la lecture –temporalité,interprétations…

Les Éts. Decoux veulent mettre à profit leur séjour à Saint-Yrieix-la-Perche pour consulter certains livres d’artistes appartenant au fonds du CdLA, pour mieux appréhender la problématique des livres blancs, pour cerner davantage aussi le sens du moins dans leur propre pratique éditoriale. Nous a récemment été rapportée la note poétique de Paul Nougé retranscrite en exergue. Ce serait le programme.

Il y a une dizaine d’années, les Éts. Decoux avaient établi un premier contact avec le CdLA en venant présenter l’une de leurs premières éditions. Il s’agissait d’une enquête visuelle pleine de documents et qui pourtant traitait de la disparition d’un tableau. Il n’est pas clair de savoir si c’est une sorte de coïncidence mais, dix ans plus tard, ce n’est pas tant l’absence de telle ou telle chose qui inquiète, c’est le rien même logé au sein des pages tournées.

Didier DECOUX
Namur (Belgique), 1962.
Actuellement enseignant à Arts2 (Mons) et responsable des Établissements Decoux, entreprise de micro-édition indépendante (Bruxelles).

Après avoir mené un travail de création plastique, l’auteur se consacre exclusivement depuis une quinzaine d’années au livre d’artiste sous le couvert des Éts. Decoux.

Veit Stratmann

* cliquer sur l’image pour faire apparaître le projet

 

Le projet  Description 3 – Travail et formation professionnelle en détention  constitue le prolongement des travaux  texte/image  initiés par  Une Vidéo d’Entreprise (Un Entretien avec Martin Bouygues au Sujet du Respect),  2013 et notamment  The Order of the Minorange – A Report, commandé par la Slought Foundation à Philadelphie fin 2015.

Les  Descriptions  sont nées comme une prolongation des Travaux Irréalisables et Indéfendables. Ces travaux, dont le corpus a été montré au CDLA à l’automne 2019, analysent des lieux qui font partie intégrante de l’espace public et urbain, de l’espace de la vie, mais qui, en même temps, se trouvent hors de l’emprise du politique et de la vie sociétale et hors du déroulement du temps que génère la vie.
Regarder de tels espaces me place face à un dilemme : ces lieux constituant des pauses sociétales et des ruptures temporaires dans l’espace de la chose publique, en faire forme peut générer potentiellement des propositions qui tout en étant fondamentalement artistiques, peuvent se situer en dehors du champ de l’art. Si de tels gestes peuvent être justes pour celui que je suis en tant qu’artiste,  ils peuvent en même temps être éthiquement indéfendables pour celui que je suis en tant que  parent, partenaire, citoyen…. Ainsi l’analyse de ces espaces  engendre une réflexion sur la pertinence du choix de la position de l’artiste comme base et cadre de cette même  analyse. Cela soulève aussi  la question de la transformation en un matériau plastique, de cette tension existant entre l’éthique de mon  être  en tant qu’artiste  et celle de mon être  en tant que  parent, partenaire, citoyen…. C’est ainsi que ces travaux m’ont conduit à envisager l’analyse pure comme une posture artistique à part entière et un « faire forme » de plein droit.

Cette possibilité d’envisager l’analyse pure comme un « faire forme » à part entière a rendu possible les Descriptions. Or, à plusieurs reprises, mon attention a été attirée – comme une sorte d’écho aux Travaux Irréalisables et Indéfendables – par des vidéogrammes qui présentaient des ruptures de cohérence structurelles, similaires aux espaces physiques précédemment décrits, et qui donnaient forme à des pauses sociétales semblables en créant les mêmes hors-temps et les mêmes ambiguïtés politiques. Le vidéogramme Travail et Formation Professionnelle en Détention, présent dans la médiathèque du ministère de la Justice est le denier exemple trouvé à ce jour.

 » Ce projet a été sélectionné par la commission mécénat de la Fondation des Artistes »

Jean Baptiste Farkas

LEARNING AND TEACHING AS PERFORMANCE ART

Le vendredi 1er novembre 2019 : un jour férié.
Arrivant par le train de Paris, je retrouve Didier Mathieu à la gare de Saint-Yrieix-la-Perche.
C’est le premier jour de ce que seront : deux semaines de résidences au CDLA.
Durant celles-ci, je souhaite, comme je l’annonce souvent pour éveiller les réactions, « accumuler les soustractions ». C’est-à-dire puiser dans le fonds du Centre pour y débusquer des soustractions d’artistes, dont les traces figurent dans leurs livres ou dans des catalogues qui leur sont consacrés.

Exemple de « logique soustractive », il provient d’un petit catalogue d’exposition consacré à l’artiste Jacques Lizène, Éditions Yellow Now, 2009, soigneusement rangé sur les étagères du CDLA :
Jouons avec les vidéos mortes de Jacques Lizène
« L’énergumène »
Par Guy Scarpetta, page 23 :
« En 1970, un jeune artiste belge de 23 ans décide, par vasectomie, c’est-à-dire section ou ligature des canaux par où passent les spermatozoïdes, de se faire stériliser : façon, dira-t-il, de ‘’tourner le dos au jeu des générations, résolument’’. Plus tard, il définira cette opération comme une ‘’Sculpture interne’’, évidemment invisible (l’art ne passe plus seulement dans la vie, mais dans l’interruption de sa transmission). »

Une autre soustraction ? Voici, plus ou moins :
Dans le livre Artist’s Magazines, Gwen Allen raconte que Lee Lozano1 a rédigé, en 1969, les instructions suivantes : « Throw the last twelve issues of Artforum up in the air », geste érigé contre la suprématie des revues d’art devenues institutionnelles, comme l’était Artforum en 1969, un passage obligé pour tout artiste voulant réussir. En outre : jeter ce « qui fait élément de pouvoir ».

Mais retour à mon histoire, au CDLA.
Il est 17H, toujours le 1er novembre, et Didier doit quitter les lieux. La nuit n’est pas tout à fait tombée.
Il me confie une clé qui, dit-il « ouvre et ferme tout autant le CDLA que l’appartement de la ville dans lequel je dormirai ». Nous faisons des essais, et toutes les portes semblent très bien fonctionner. Ce même jour, je m’attarde au CDLA, je commence à fouiller dans toutes sortes d’ouvrages : Rutault, Gutai, Filliou, Art Rite (compilation des numéros de la revue), Anti-Musée, Une rétrospective d’expositions fermées. Henry Flynt attire tout particulièrement mon attention. Les heures passent.
Au moment de sortir, il me faut actionner l’alarme : aucun problème.
Dans la nuit noire, je cherche ensuite à tâtons la porte menant vers l’escalier qui me permettra d’accéder à l’appartement de la ville dont tout annonce qu’il sera « un havre de paix » (au vu du silence complet environnant). Je suis bien fatigué.
Mais : impossible de la trouver ! Impossible, dans le noir, presque complet, de me rappeler où elle se situe ! Il est minuit passé. Je tâtonne. Interminablement.

Ne me reste, après de nombreuses tentatives infructueuses, ‒ l’une d’entre-elles m’a fait pénétrer sous un porche noir dont il m’a fallu plusieurs minutes pour retrouver la sortie ‒, qu’une seule et dernière possibilité : revenir au CDLA.
Je désamorce le système d’alarme : aucun problème.

Et me trouve un endroit où dormir.

 

1 ARTIST’S MAGAZINES, An Alternative Space For Art, Gwen Allen, The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, London, England, 2011, pp. 13-14 pour le passage consacré à Lozano.