Andrée Ospina

Andrée Ospina est artiste-chercheuse, poétesse, bibliothécaire.
Je me demande comment les artistes femmes ou LGBTQIA+ se sont saisis de ce médium qu’est le livre à travers l’histoire – quels sont les formes, les narrations, les discours, les réseaux produits. La connaissance que j’ai des pratiques historiques de l’édition d’artiste concerne surtout des hommes et des pratiques conceptuelles ou « formalistes ». 
Ma pratique intégrant la poésie, et celle-ci étant très présente dans l’histoire du livre et de la revue d’artiste comme dans les mouvements féministes et queers, je m’intéresse aussi aux relations qu’entretiennent édition d’artiste et poésie chez ces personnes, ainsi qu’aux parallèles à tisser entre fanzine et livre d’artiste. 
Me plonger dans une collection telle que celle du CDLA me semble être un bon moyen de mener ce travail. À travers la consultation d’ouvrages et d’œuvres j’entends nourrir ma propre pratique, basée sur l’écrit, la publication et l’image, et me repositionner face à une certaine histoire de l’art. Je souhaite également alimenter le travail que je mène avec la collection BBQ, une bibli itinérante lesBi-Bi-Queer. 

Audrey Potrat

Audrey Potrat ➤19 – 23 décembre 2022.
Dans ma pratique je questionne le paysage dans sa forme visuelle, avec ses masses et ses courbes. Dans des images composées de formes graphiques et texturées je dessine des décors, des lieux et des espaces principalement sur papier et en édition. Dans ces différentes notions je m’intéresse aujourd’hui au territoire comme lieu d’appartenance et de racine. Je m’intéresse au nom des lieux, à leurs coordonnées géographiques, à leurs emplacements comme repère et empreinte dans le temps. C’est pour développer ces notions et répondre à ces différentes questions que j’entame aujourd’hui un travail de recherche théorique et plastique au centre du livre d’artiste.

Anne Balanant

Anne Balanant➤ 18 – 22 avril, 20 – 21 mai, 3 – 4 juin et 1 – 2 juillet 2022
Anne Balanant est bibliothécaire à l’École européenne supérieure de l’image – Angoulême.
Je souhaite réaliser un travail de recherche sur l’histoire du livre d’artiste en Islande.
Depuis les années 50, l’Islande est un terreau fertile pour le livre d’artiste. En témoigne le projet Dulkápan, une collection en ligne répertoriant les livres d’artistes islandais et européens des années 50 à nos jours. L’Islande compte également des collections importantes de livres d’artistes, notamment au Living Art Museum (Nýlistasafnid – Nýlo) de Reykjavík et à la bibliothèque des beaux-arts de Reykjavík. Je souhaite démarrer mes recherches au Centre des livres d’artistes à Saint-Yrieix-la-Perche.
J’ai déjà identifié dans la collection des artistes islandais (Rúri, Erró, Kristján Guðmundsson), ainsi que des artistes ayant résidé en Islande et produit là-bas des livres d’artiste (Dieter Roth, Dorothy Iannone, Roni Horn, Jan Voss, Ben Vautier). Ce premier temps de recherche me permettra de faire un état des lieux des dynamiques et des réseaux qui unissent les artistes islandais aux artistes internationaux. J’envisage dans un deuxième temps de faire un travail similaire en Islande, en explorant les collections mentionnées et en entrant en contact avec l’artiste et amie Brák Jonsdóttir, contributrice d’un projet collectif de recherche sur l’histoire du livre d’artiste en Islande.

Jan Steinbach

Jan Steinbach ➤ 25 mars – 15 avril 2022
Jan Steinbach vit à Zurich. Editeur, designer, doctorant, il a créé le site edcat.net dédié à la publication d’artiste.
La résidence consiste en : une étude de la collection du cdla ; des échanges de données avec edcat (début d’une mise en ligne de la collection du cdla sur edcat afin de diffuser toute information concernant les publications d’artistes) ; concevoir une publication et/ou une exposition à partir de la collection.

Les Éts. Decoux

Les Éts. Decoux, maison de micro-édition bruxelloise, viennent au Centre des Livres d’Artistes (CdLA) avec l’intention d’approfondir une recherche qu’ils sont en train de mener sur les livres blancs. Sous cette notion, il convient d’entendre des publications aux pages non imprimées mais aussi des ouvrages qui, même partiellement occupés de signes ou de formes, demeurent dans une retenue, un repli ou une dérobade face à l’affirmation des mots et des images généralement articulés dans les livres. L’attention se porte donc sur des figures du vide, du silence, du neutre, de la perte… Comme tels, les livres blancs engagent d’autres rapports à la mise en œuvre de livres–matérialités, spatialité…–ainsi qu’aux usages de la lecture –temporalité,interprétations…

Les Éts. Decoux veulent mettre à profit leur séjour à Saint-Yrieix-la-Perche pour consulter certains livres d’artistes appartenant au fonds du CdLA, pour mieux appréhender la problématique des livres blancs, pour cerner davantage aussi le sens du moins dans leur propre pratique éditoriale. Nous a récemment été rapportée la note poétique de Paul Nougé retranscrite en exergue. Ce serait le programme.

Il y a une dizaine d’années, les Éts. Decoux avaient établi un premier contact avec le CdLA en venant présenter l’une de leurs premières éditions. Il s’agissait d’une enquête visuelle pleine de documents et qui pourtant traitait de la disparition d’un tableau. Il n’est pas clair de savoir si c’est une sorte de coïncidence mais, dix ans plus tard, ce n’est pas tant l’absence de telle ou telle chose qui inquiète, c’est le rien même logé au sein des pages tournées.

Didier DECOUX
Namur (Belgique), 1962.
Actuellement enseignant à Arts2 (Mons) et responsable des Établissements Decoux, entreprise de micro-édition indépendante (Bruxelles).

Après avoir mené un travail de création plastique, l’auteur se consacre exclusivement depuis une quinzaine d’années au livre d’artiste sous le couvert des Éts. Decoux.

Veit Stratmann

* cliquer sur l’image pour faire apparaître le projet

 

Le projet  Description 3 – Travail et formation professionnelle en détention  constitue le prolongement des travaux  texte/image  initiés par  Une Vidéo d’Entreprise (Un Entretien avec Martin Bouygues au Sujet du Respect),  2013 et notamment  The Order of the Minorange – A Report, commandé par la Slought Foundation à Philadelphie fin 2015.

Les  Descriptions  sont nées comme une prolongation des Travaux Irréalisables et Indéfendables. Ces travaux, dont le corpus a été montré au CDLA à l’automne 2019, analysent des lieux qui font partie intégrante de l’espace public et urbain, de l’espace de la vie, mais qui, en même temps, se trouvent hors de l’emprise du politique et de la vie sociétale et hors du déroulement du temps que génère la vie.
Regarder de tels espaces me place face à un dilemme : ces lieux constituant des pauses sociétales et des ruptures temporaires dans l’espace de la chose publique, en faire forme peut générer potentiellement des propositions qui tout en étant fondamentalement artistiques, peuvent se situer en dehors du champ de l’art. Si de tels gestes peuvent être justes pour celui que je suis en tant qu’artiste,  ils peuvent en même temps être éthiquement indéfendables pour celui que je suis en tant que  parent, partenaire, citoyen…. Ainsi l’analyse de ces espaces  engendre une réflexion sur la pertinence du choix de la position de l’artiste comme base et cadre de cette même  analyse. Cela soulève aussi  la question de la transformation en un matériau plastique, de cette tension existant entre l’éthique de mon  être  en tant qu’artiste  et celle de mon être  en tant que  parent, partenaire, citoyen…. C’est ainsi que ces travaux m’ont conduit à envisager l’analyse pure comme une posture artistique à part entière et un « faire forme » de plein droit.

Cette possibilité d’envisager l’analyse pure comme un « faire forme » à part entière a rendu possible les Descriptions. Or, à plusieurs reprises, mon attention a été attirée – comme une sorte d’écho aux Travaux Irréalisables et Indéfendables – par des vidéogrammes qui présentaient des ruptures de cohérence structurelles, similaires aux espaces physiques précédemment décrits, et qui donnaient forme à des pauses sociétales semblables en créant les mêmes hors-temps et les mêmes ambiguïtés politiques. Le vidéogramme Travail et Formation Professionnelle en Détention, présent dans la médiathèque du ministère de la Justice est le denier exemple trouvé à ce jour.

 » Ce projet a été sélectionné par la commission mécénat de la Fondation des Artistes »

Jean Baptiste Farkas

LEARNING AND TEACHING AS PERFORMANCE ART

Le vendredi 1er novembre 2019 : un jour férié.
Arrivant par le train de Paris, je retrouve Didier Mathieu à la gare de Saint-Yrieix-la-Perche.
C’est le premier jour de ce que seront : deux semaines de résidences au CDLA.
Durant celles-ci, je souhaite, comme je l’annonce souvent pour éveiller les réactions, « accumuler les soustractions ». C’est-à-dire puiser dans le fonds du Centre pour y débusquer des soustractions d’artistes, dont les traces figurent dans leurs livres ou dans des catalogues qui leur sont consacrés.

Exemple de « logique soustractive », il provient d’un petit catalogue d’exposition consacré à l’artiste Jacques Lizène, Éditions Yellow Now, 2009, soigneusement rangé sur les étagères du CDLA :
Jouons avec les vidéos mortes de Jacques Lizène
« L’énergumène »
Par Guy Scarpetta, page 23 :
« En 1970, un jeune artiste belge de 23 ans décide, par vasectomie, c’est-à-dire section ou ligature des canaux par où passent les spermatozoïdes, de se faire stériliser : façon, dira-t-il, de ‘’tourner le dos au jeu des générations, résolument’’. Plus tard, il définira cette opération comme une ‘’Sculpture interne’’, évidemment invisible (l’art ne passe plus seulement dans la vie, mais dans l’interruption de sa transmission). »

Une autre soustraction ? Voici, plus ou moins :
Dans le livre Artist’s Magazines, Gwen Allen raconte que Lee Lozano1 a rédigé, en 1969, les instructions suivantes : « Throw the last twelve issues of Artforum up in the air », geste érigé contre la suprématie des revues d’art devenues institutionnelles, comme l’était Artforum en 1969, un passage obligé pour tout artiste voulant réussir. En outre : jeter ce « qui fait élément de pouvoir ».

Mais retour à mon histoire, au CDLA.
Il est 17H, toujours le 1er novembre, et Didier doit quitter les lieux. La nuit n’est pas tout à fait tombée.
Il me confie une clé qui, dit-il « ouvre et ferme tout autant le CDLA que l’appartement de la ville dans lequel je dormirai ». Nous faisons des essais, et toutes les portes semblent très bien fonctionner. Ce même jour, je m’attarde au CDLA, je commence à fouiller dans toutes sortes d’ouvrages : Rutault, Gutai, Filliou, Art Rite (compilation des numéros de la revue), Anti-Musée, Une rétrospective d’expositions fermées. Henry Flynt attire tout particulièrement mon attention. Les heures passent.
Au moment de sortir, il me faut actionner l’alarme : aucun problème.
Dans la nuit noire, je cherche ensuite à tâtons la porte menant vers l’escalier qui me permettra d’accéder à l’appartement de la ville dont tout annonce qu’il sera « un havre de paix » (au vu du silence complet environnant). Je suis bien fatigué.
Mais : impossible de la trouver ! Impossible, dans le noir, presque complet, de me rappeler où elle se situe ! Il est minuit passé. Je tâtonne. Interminablement.

Ne me reste, après de nombreuses tentatives infructueuses, ‒ l’une d’entre-elles m’a fait pénétrer sous un porche noir dont il m’a fallu plusieurs minutes pour retrouver la sortie ‒, qu’une seule et dernière possibilité : revenir au CDLA.
Je désamorce le système d’alarme : aucun problème.

Et me trouve un endroit où dormir.

 

1 ARTIST’S MAGAZINES, An Alternative Space For Art, Gwen Allen, The MIT Press, Cambridge, Massachusetts, London, England, 2011, pp. 13-14 pour le passage consacré à Lozano.

Elsa Werth

Elsa Werth développe un travail dans lequel la reconnaissance du dérisoire agit comme une provocation, une mise à l’épreuve de l’espace et de l’environnement dans lequel il s’inscrit. Elle se joue des usages et porte un regard amusé sur les actions ordinaires, les signes qui nous entourent et font notre quotidien, les gestes préfabriqués liés aux activités et rituels contemporains.

À travers une multiplicité de supports, un télescopage de données et de registres, Elsa Werth revendique une économie de moyens, des gestes anti-spectaculaires comme autant de tactiques de résistance qui remettent en question les conditions d’apparition d’une oeuvre et les systèmes de représentations dans un environnement administré et programmé.

Depuis 2014, elle est à l’initiative de projets curatoriaux qui expérimentent des formats d’expositions alternatifs, avec la volonté d’inviter les artistes à faire exister des oeuvres dans des contextes publics élargis, en marge du circuit de l’art et de son marché : Potentiels évoqués visuels.

Veit Stratmann

Mon travail génère pour  la plupart du temps des dispositifs tridimensionnels – sculpturaux et installatoires – souvent in situ. Depuis quelques années, des travaux texte – images s’y sont joints. Ces travaux sont pour le moment regroupés en deux corpus, sous le titre des pièces “irréalisables et indéfendables” et les “ tâches impossibles”.

Les pièces “irréalisables et indéfendables” tentent de prendre très au sérieux des discours politiques ou économico-politiques – notamment sécuritaires – face auxquels j’éprouve de la peur, de l’irritation, de l’exaspération, mais aussi de la fascination. Etant donnée la portée anxiogène et la force de fascination de ces discours, j’ai tenté de les prolonger, de les étirer ou d’étendre leur logique interne afin de les « attraper » et leur donner forme au moment de leur lisibilité extrême. Etonnamment, ce moment de lisibilité extrême correspond avec le moment de l’effondrement de leur apparente cohérence interne et de leur apparence éthique. Seulement, faire forme avec ce moment d’effondrement me met dans un dilemme et une ambiguïté quasi insoluble, car ce “faire forme” m’amène à des propositions plastiques qui sont justes pour l’artiste que je suis mais qui peuvent être en même temps éthiquement indéfendables pour le citoyen, père ou compagnon que je suis aussi. Afin de poursuivre ma fascination et d’assumer ma responsabilité d’artiste, il s’agit alors d’envisager la tension possible entre l’éthique artistique et l’éthique citoyenne non pas comme un obstacle pour “faire” mais comme un moyen de produire. Il faut alors prendre cette tension comme le cœur, le fondement même d’une forme plastique. C’est dans ce contexte que les termes « irréalisables  ou indéfendables » se sont imposés. Ils définissent l’impossiblité de donner aux travaux une existence matérielle dans l’espace physique où la liberté de mouvement humain soutient la liberté de penser et d’agir. L’espace où se trouvent ces dispositifs doit être public mais il ne doit pas influer sur la liberté ou l’entièreté du spectateur, tout en admettant que les travaux sont justement basés sur de telles considérations. Cet ensemble de travaux se matérialise alors dans les médias analogues et digitaux, comme une composante “normale” de leur support, un article de journal, une page sur un site web. Ces éléments peuvent aussi ne pas être vus, ils se glissent dans son contexte. En même temps, ils créent une incohérence du support même.

Les ”tâches impossibles”  se réfèrent non pas à des discours mais à des endroits géographiquement localisables. Par une superposition de décisions politiques, économiques et même géologiques, ces endroits sont tombés « hors temps » et en dehors de l’espace politique et social. Ils se trouvent en dehors de l’emprise du politique, en dehors de l’emprise de la démocratie, hors monde – bien que dans le monde. 

J’éprouve envers ces lieux une sorte de fascination comme le lapin pour le serpent et je ne peux pas ne pas vouloir en faire forme. Seulement, comme ils sont géographiquement localisables et comme ils ont une étendue physique, ces endroits influent sur la liberté de mouvement et de l’action humaine dans leur environnement et ils appellent donc plus à un positionnement civique ou militant qu’à une attitude artistique. Seulement, je suis plus efficace en tant qu’artiste que militant. Arrive alors le problème que l’action artistique est contraire et non mandatée, elle parle exclusivement en son nom et ne s’adresse qu’à d’autres individus, au contraire de l’action militante qui prend sa légitimité dans la conviction d’un parler “au nom de”, dans le fait d’être tacitement ou expressément mandatée par un collectif et de s’adresser à son tour à un collectif.  

Je me trouve alors à nouveau dans une tension entre mon attitude civique et ma posture artistique. Afin de pouvoir agir je dois donc tranformer une situation appellant à une action collective, et adressée à un collectif, en un matériau qui permet une action individuelle dirigée vers un autre individu. Se posent alors actuellement quelques questions : est-ce que la tension entre mon éthique  d’artiste et mon rôle non-artistique peut-être un matériau plastique à part entière ?   En plus, chercher à éclaircir ce champ de problématiques nécessite une analyse et une description précise des tensions apparues. Du fait de leur ampleur nécessaire, de telles analyses et descriptions peuvent s’apparenter à des travaux à part entière. Est-ce que de telles analyses et descriptions – initialement des projets théoriques – peuvent êtres envisagées comme des formes plastiques ?

Saint-Yrieix-la-Perche, septembre 2019

Veit Stratmann  est né en 1960 à Bochum en Allemagne. Il vit à Paris
Son travail a été montré internationalement. 
Il a en même temps une activité pédagogique en France et à l’étranger.