1962, ex. unique. – 34 p. ; 15,5 x 11,5 x 4 cm ; (1’) – album photo, 18 clichés ; texte autographe, lettres capitales, «aux petits points», encre blanche sur papier noir tramé. – couv. cuir noir frappé ; 15 planches, carton fort ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 083 23.
Détails
Album photo de 15 planches de carton fort, ajourées de part en part (1 fenêtre par page, rectangulaires), gaufrage sur l’encadrement des ajours.
Couverture cuir noir frappé ; fermoir métallique entier et fonctionnel ; couverture et coiffes usées ; tranches dorées ; gardes de papier blanc moiré et strié.
18 photographies fin XIXe, format carte de visite ; portraits plain-pieds de jeunes filles, femmes, puis jeunes hommes, hommes et soldats en costume, puis portraits bustes d’hommes et femmes. Jeu de parallélisme entre les photographies en vis-à-vis.
Texte autographe en capitales, «aux petits points», à l’encre blanche sur 12 feuillets de papier noir tramé, découpés au format carte de visite, dont 5 laissés vides. Au verso de deux des feuillets vides (p. 12 et 16), parties du texte écrites – comme des tentatives de calligraphie réemployées.
Signé et daté à la mine de graphite sur la dernière garde.
Serge Martin relate dans son article «Avec Ghérasim Luca (1913-1994), extension du domaine des apatrides» (Moderne Languages Open, 2019) une anecdote de Thierry Garrel concernant le texte de cet album. En 1967, à l’occasion d’un salon réunissant des artistes du monde entier à La Havane, Ghérasim Luca a fait inscrire «LA POÉSIE SANS LANGUE / LA RÉVOLUTION SANS PERSONNE / L’AMOUR SANS FIN» sur le drapeau cubain réalisé au centre d’une grande fresque murale réalisée pour l’occasion.
Transcription
«LA POÉSIE // SANS LANGUE /// [encart vide] /// LA RÉVOLUTION // SANS PERSONNE /// [encart vide] /// [encart vide] // L’AMOUR /// SANS // FIN /// [encart vide] /// [encart vide]»
Références
Ce texte est repris dans La Proie s’ombre (José Corti, 1991, p. 47-55), disposé de manière similaire à la forme adoptée dans l’album, où un saut de page sépare chaque groupe de mots. Il s’est également vu être tapé en 7 exemplaires le 3 juin 1965.
non daté [1962-1963], ex. unique. – 44 p. ; 18 x 13 x 6,5 cm ; (2’) – album photo, 24 clichés ; texte autographe, lettres capitales, «aux petits points», encre blanche sur Canson noir. – couv. cuir rouge frappé ; 20 planches, carton fort blanc ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 084 23.
Détails
Album photo de 20 planches de carton fort blanc ajouré de part en part (1 fenêtre par planche).
Couverture en cuir rouge, plat et dos frappé, intérieur des chasses dorées ; fermoirs métalliques absents ; tranches dorées ; reliure scindée en deux entre la 13e et la 14e page ; fenêtres encadrées d’un gaufrage léger ; gardes en carton fin, doublé d’un papier blanc moiré et strié.
24 photographies fin XIXe siècle, 5 format cabinet, 19 format carte de visite ; portrait divers, d’abord soldats, puis portraits plain-pieds ou bustes d’enfants, hommes, femmes, de divers âges, pour grande partie en extérieur (rare dans les albums) ; l’une d’entre elles est coloriée au stylo noir (écharpe blanche coloriée) ; effets de miroir entre les pages en vis-à-vis (personnages identiques / analogues), jeu de contrastes quand intervient un texte, surtout entre thématique de la maladie et photographies d’enfants.
Textes autographes, «aux petits points», à l’encre blanche, lettres capitales sur 16 feuillets de Canson noir granuleux format carte de visite insérés dans les ajours vides, deux laissés vides, dont le dernier.
Entre l’«OBJET DU REFUS» et «LE REFUS MÊME» se joue l’intensité du programme de Ghérasim Luca. Il n’est pas question pour lui de s’arrêter à penser le refus, mais bien de l’incarner par une pratique de vie dépendante d’une pratique du langage. Avec Ghérasim Luca, l’expérience du langage dans le poème, et ainsi tous ses remous, sont à envisager comme une secousse de l’être et une pression exercée à même le corps (voir à ce sujet les hypothèses de Serge Martin dans Ghérasim Luca, une voix inflammable, Tarabuste, 2018).
Transcription
«L’OBJET / DU REFUS /// NOUS / PROPOSE /// LE MONDE /// OU LA FOLIE /// DISPERSION /// OU ÉTOUFFEMENT /// LE CANCER /// OU LA LÈPRE /// MAIS /// LE REFUS MÊME /// [CARTON VIDE] /// NOUS INFUSE /// LÈPRE / ET / CANCER /// EN / «TÊTE À TÊTE» /// SANS «T» NI «É» // À SANTÉ NIÉE /// [dernier carton vide]»
Références
«Apostroph’ apocalypse», Paralipomènes, (éd. Le Soleil Noir, 1976), p.71 : «en «tête à tête» / sans «t» ni «é» / à santée niée» > «EN / «TÊTE À TÊTE» /// SANS «T» NI «É» // À SANTÉ NIÉE». Notation récurrente dans les albums, qu’on retrouve dans APOSTROPHE D’ÊTRE, TIR ÀL’ARC-ENFER et L’ANGE «JE».
Remarques
L’organisation des photographies se joue principalement sur des parallèles, où deux photographies se font écho par ressemblance, identité ou technique de tirage semblable. Les variations offertes par deux poses différentes d’un même individu, ou ajout d’une personne dans le cadre, ou évolution légère de l’environnement, crée une atmosphère particulière, où l’album semble former un mouvement.
non daté [1962-1963], ex. unique. – 104 p. 21 x 15 x 6 cm ; (9, X) – album de cartes postales, 81 cartes ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur papier crème ; notations éparses sur les cartes. – couv. toile enduite bleue ; 50 planches, papier fort avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 099 23.
Détails
Album de cartes postales, 50 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture de toile enduite bleue (dos, mors et coins) et toile imprimée (motifs géométriques), dorures sur le premier plat et le dos (nervures, motifs végétaux et mention «CARTES / POSTALES») ; gardes en papier fort gris ; premier contreplat, pastille autographe «9» et autocollant de provenance «Au printemps, Paris», première garde, autocollant «X».
81 cartes postales, photographies de formations rocheuses (menhirs, éperons, aiguilles, grottes, dolmen, formation rocheuse, pierre gravée) avec légendes à connotations mystiques (imaginaire druidique, sacrificiel, infernal, de plus en plus prononcé au fil de l’avancée du texte), ou photographies légendées de lieux-dits anodins avec connotation pittoresque ; sur la fin de l’album, jeu plus prononcé sur les toponymes, répétition de «chaos», dernière carte en couleur, légendée «FONTAINEBLEAU. – La Forêt. – Le Chaos des artistes.»
Textes autographes à la mine de graphite répartis exclusivement sur la première moitié de l’album ; lettres capitales pour la page de titre sur une carte postale retournée, cursive pour le corps du texte, sur 15 feuillets de papier lisse, beige, coupés au format carte postal, insérés dans les encoches ; orientation du texte en fonction de la photographie en vis-à-vis.
Quelques notations sur les cartes (éléments de légendes soulignés).
Unifié comme l’est rarement un album de Ghérasim Luca, l’exploration se joue de page en page entre le déploiement du texte et ce qui s’y substitue progressivement d’une réflexion sur la roche. Les légendes des cartes postales restituent bien l’enjeu : il s’agit de voir l’inscription graphique et la valeur mythique de la pierre. Non seulement par la pierre gravée, qui retient le signe, mais également par ce que la géologie et ses formations étonnantes suscitent de récits fondateurs, dictant notre rapport physique et métaphysique au monde.
Transcription
«GHƐRASIM LUCA // LƐS CRIS VAINS /// Personne / à qui pouvoir dire / que nous n’avons rien à dire /// et que le rien que nous nous disons / continuellement /// nous nous le disons / comme si nous ne nous disons rien /// comme si / personne ne nous disait /// même pas nous /// que nous n’avons rien à dire /// personne / à qui pouvoir le dire /// même pas à nous /// Personne / à qui pouvoir dire / que nous n’avons rien à faire /// et que nous ne faisons rien d’autre / continuellement /// ce qui est une façon de dire / que nous ne faisons rien /// une façon de ne rien faire / et de dire ce que nous faisons /// [seule orientation portrait] Personne / à qui pouvoir dire / que nous ne faisons rien /// que nous ne faisons / que ce que nous disons /// c’est à dire / rien»
Références
Texte publié sous le même titre dans les Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 32-33. Retranscription exacte.
Particularité des «E» en 3 retournés, comme dans les albums LIT IVRE et DELIT DE DELIVRANCE.
Même logique de légendes des cartes postales liées à l’enfer que dans l’album DÉLIT DE DÉLIVRANCE.
Comme dans l’album COMMENT PLACER SUR UNE ORBITE SANS CIEUX : dernière lettre légendée avec une toponymie à connotation artistique.
Dessins aux petits points sur une carte postale comme dans l’album Tautologie de terreur sans tête… (1962, Centre Pompidou), ou INDICIBLE INDICE CIBLE (sur une photo).
Mai 1970, ex. unique. – 104 p. ; 19 x 15 x 6 cm ; (25, D) – album de cartes postales, 57 cartes ; texte imprimé sur papier blanc, grammage moyen, issu d’une maquette de 1958 d’un disque tiré à 2 ex. – couv. simili cuir bordeaux frappé ; 50 planches, papier fort gris avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 094 23.
Détails
Album de cartes postales de 50 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture simili cuir, frappé, bordeaux ; dos nervuré, coins et mors marqués, traces d’usure au niveau des angles de coiffe ; gardes en papier fort ; pastille autocollante, «25», et autocollant découpé «D» sur le premier contreplat.
57 cartes postales début XXe siècle retournées, montrant des photographies ethniques (Nouvelle-Calédonie, Congo, Gabon, Madagascar, Haute-Volta), dont une retournée sur la face inscriptible.
Textes imprimés en grosse police, italique, sur papier blanc de grammage moyen, et inséré verticalement dans les encoches de pages sans cartes ; textes en italique formant un récit inséré en deux exemplaires, répétés autour d’une notation centrale en romain ; découpé depuis un feuillet inséré dans la pochette des maquettes du 33 tours «Ils s’absentent et se prolongent» («Enregistrement sonore pour un film non réalisé», Paris, Music Monde, collection Delta, Production Raymond Jouve), tiré à deux exemplaires en 1958.
Signature et date inscrite à la mine de graphite sur le recto de la dernière garde.
Par une mise en abyme ironique, les maquettes d’un «enregistrement sonore pour un film non réalisé», elles-mêmes issues d’un projet de disque «non réalisé», trouvent finalement leur place au sein de cet album. Les photographies semblent participer d’un jeu de déplacements, d’abord par la confrontation de l’imprimé à la photographie, mais également par l’anachronisme du reportage colonial, figeant le dispositif dans un vis-à-vis déroutant.
Transcription
«Le goût du travesti met quelques êtres sur la piste d’un mythe errant chargé d’un grand pouvoir mutationnel /// Un symbole X, particulièrement méconnaissable, les guette à certains carrefours privilégiés de leurs vies /// pour s’incarner dans quelques fantômes familiers dont la présence ne se fait remarquer que dans l’extase, le fou rire ou la terreur. /// Le moment décisif de cette aventure sera l’apparition de la Non-Nostalgie, divinité anti-ancestrale et uniquement projective qui marque le passage de l’être aux non-êtres et livre ceux-ci à toutes les métamorphoses du possible. /// Un hurlement sacré, à peine murmuré, sera la fanfare qui l’annonce. / GHERASIM LUCA /// [période de 4 planches consécutives sans carte ni texte] /// [pas en italique et police plus faible + centrée] Enregistrement sonore pour un film non-réalisé /// [répétition du même texte :] Le goût du travesti met quelques êtres sur la piste d’un mythe errant chargé d’un grand pouvoir mutationnel /// Un symbole X, particulièrement méconnaissable, les guette à certains carrefours privilégiés de leurs vies /// pour s’incarner dans quelques fantômes familiers dont la présence ne se fait remarquer que dans l’extase, le fou rire ou la terreur. /// Le moment décisif de cette aventure sera l’apparition de la Non-Nostalgie, divinité anti-ancestrale et uniquement projective qui marque le passage de l’être aux non-êtres et livre ceux-ci à toutes les métamorphoses du possible. /// Un hurlement sacré, à peine murmuré, sera la fanfare qui l’annonce. / GHERASIM LUCA / ghérasim luca / mai 1970»
Références
Le texte découpé est issu du feuillet présent dans la pochette du 33 tours «Ils s’absentent et se prolongent», «Enregistrement sonore pour un film non réalisé» (Paris, Music Monde, collection Delta, Production Raymond Jouve, 1958, tiré à deux exemplaires).
Logique étonnante de répétition qui prend particulièrement place dans les albums de carte postale, dont OEDIPE SPHINX ou COMMENT PLACER SUR UNE ORBITE SANS CIEUX, où un même texte est répété avant et après une période de creux au milieu de l’album.
Septembre 1973, ex. unique. – 100 p. ; 20 x 16 x 6 cm ; (ø) – album de cartes postales ; cases de comics érotique découpées ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur papier ivoire. – couv. deux cuirs bordeaux ; 50 planches, papier fort gris avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 096 23.
Détails
Album de cartes postales de 50 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture deux cuirs, grain fin (mors et coins premier plat, mors deuxième plat) et cuir épais, bordeaux, pour le reste des plats, bon état ; inscription dorée «cartes postales» sur le premier plat ; présence irrégulière d’octogones noirs, collés au coin supérieur droit de certaines pages, dont un des coins est plastifié.
Textes autographes à la mine de graphite sur papier ivoire de grammage moyen, 14 x 9 cm, écriture cursive, feuillets insérés dans les encoches.
Vignettes de comics extraites de Bikini Cat, «Du sang sur la mer», Paris, Ed. de Poche, 13 x 18 cm, 128 pages, n°5, août 1972 (noir et blanc, érotique/science-fiction, vignettes découpées au format 12,8 x 9 cm, toujours un bord déchiré grossièrement, et insérées dans deux encoches sur quatre, par-dessus les feuillets manuscrits, soulevables pour lire le texte).
Présence irrégulière de feuillets de Canson Montgolfier-Canson (Davézieux et Annonay), noir, texturé et filigrané, insérées dans les ajours, sans inscriptions, marquant des coupures dans l’album.
Daté et localisé à la mine de graphite sur les deux contreplats.
Daté aux deux contreplats, cachant les textes sous les vignettes, mélangeant la trame du comics comme celle des textes originaux, tout l’album point du lit-tige est fait pour contredire les habitudes de lecture, mêler des rythmes et marier des espaces distincts.
Transcription
(numéros de pages entre parenthèses ; notation « [] » quand un carré noir est collé dans un des angles)
«[sur le premier contre-plat :] Paris, septembre 1973 /// point de lit-tige (1) [non couvert] /// lit vrai / cause de grands ravages (2) /// lit-dé (3) /// lit légale / contraire à la loi / lit moral / contraire à la morale (4) [] /// commun dans les marais / lit-vie / tirant sur le noir / lit-vide (5) [non couvert] /// lit muable / n’est point sujet à changer / lit mortel / n’est point sujet à la mort (6) /// lit-monde / sale et impur (7) /// point de / lit-tige (8) /// lit réel / n’est pas réel / lit réalisable / n’est pas réalisable (9) /// [page vide, non couverte] /// Personne à qui pouvoir dire que je n’ai rien à dire (11) [non couvert] /// et que le rien que je me dis continuellement (12) /// je me le dis comme si je ne me disais rien (13) /// comme si personne ne me disait (14) /// même pas moi (15) [] /// lit respirable / lit responsable / lit mobile (16) [non couvert] /// lit-lit mi-table (17) /// que je n’ai rien à dire (18) /// qui est une façon de dire que je ne fais rien (19) /// une façon de ne rien faire et de dire ce que je fais (20) /// Personne à qui pouvoir dire / que je ne fais rien (21) /// personne à qui pouvoir dire que je n’ai rien à faire (22) /// c’est à dire rien (23) /// même pas à moi (24) /// étaient comme aveuglés / par des larmes secrètes et des gémissements / saccadés sortaient de leurs orbites (25) /// Quant au long regard (26) [] /// subissent un traitement plus doux (27) [] /// boisson acide / substance simple : / lit-monade (28) [] [non couvert] /// et / lit-mage (29) [] [non couvert] /// il n’arrive presque jamais à pénétrer / dans l’œil de l’idée (30) /// il n’y a d’ailleurs rien / pour l’y attirer (31) /// eux qui normalement se laissaient fascinér / toute de suite (32) /// ce qui vaut mieux (33) /// que d’être retenu à vie (34) /// seuls le voyageurs à courte vue (35) /// au bout d’une demi-heure (36) /// et on les laissent se retirer (37) /// en dépit des choses plutôt rudes à l’entrée (38) [non couvert] /// C’est l’acte de cesser de regarder / qui déclanche le mécanisme de la libération (39) [non couvert] /// et s’il se produit le moindre contre-temps / l’œil de l’idée ne s’ouvrira plus (40) /// mais les voyoux ne procèdent pas toujours / progressivement (41) /// mais il dégageait une lueur masquée (42) /// Son œil était privé de lumière (43) /// On trouve pour certains un exemple / de long emprisonnement (44) /// [page vide, canson noir] /// qui attirait (46) /// L’idée que j’ai vu était ainsi (47) /// Ils ont pour ce faire / à descendre le long du clignotement / par les deux cercles de rides raides / qui poussent inclinés vers le bas (48) [] /// Les regards peuvent passer en pressant / contre les extrêmités plus flexibles / mais il leur est impossible de revenir en arrière . car ces extrêmités ne sont inclinées que d’un côté (49) [] /// On comprendra que ce soit là un exemple / extrême, à perte de vue [non recouvert] /// et tandis que pris de panique / ils font des efforts pour sortir [deux comics insérés} [] /// Ils se trouvent alors dans une petite chambre / au milieu de la vision même (52) /// ils se couvrent d’images (53) /// [double page vide, Canson noir] [] [] /// Etant donné que la barrière en haut / ne peut être franchie / il leur faut descendre / à travers la seconde zone de cils / disposé de la même façon que la première (56) [] /// à l’intérieur de l’idée (57) /// [double page Canson noir, case de couteau lancé] /// Il n’y avait pas beaucoup d’espace (60) [] /// le seul moyen d’y parvenir / étant de n’y plus penser (61) [] /// C’est sans doute la raison pour laquelle / j’ai pu voir mon regard ramper / dans toutes les directions à la fois (62) [] /// Il fait plus clair au sommet / là où les extrêmités des paupières / sont repliées sur elles-mêmes (63) [] /// À peine aspiré au fond de l’œil / mon regard entreprit de se frayer / un chemin vers le haut (64) /// obstruant encore plus la lourde trappe mentale (65) /// entrainant le regard du penseur (66) /// le font se retirer à l’intérieur / comme mû par un ressort (67) /// ou un minuscule battement de cœur (68) /// Même le souffle d’une pensée (69) /// L’irritabilité en fut extrême (70) /// On ne s’attendait certes pas / mais c’est pourtant à cet endroit / que s’est posé naturellement mon regard / car il n’y a pas d’autre voie pour y pénétrer (71) /// L’acte de regarder s’accomplit à l’intérieur / de manière fugitive et constante (72) [] /// et lorsqu’il s’accomplit / ne fait que s’avancer entre les fourchettes (73) [] /// Il semble également en veilleuse / car il ne s’ouvre que rarement (74) [] /// Ainsi tout l’œil de l’idée se présente / dans la position inverse du regard (75) [] /// La prunelle enchapuchonnée s’appuie sur elles (76) /// C’étaient les extrêmités effilées de celle-ci / que j’avais pris pour les antennes / d’une sauterelle (77) [] /// de manière à former comme une fourchette / dressée en l’air (78) [] /// Deux paupières latérales sont réunies / sur la moitié de leur longueur (79) /// en sorte qu’elle se trouve tout contre / la paupière supérieure / et lui est partiellement accolée (80) [] /// est inclinée en arrière, à la base, (81) [] /// la paupière du milieu, car elle en a plusieurs, [non couvert] [] /// [page vide] [] /// Elles ne sont pas égarantes, au contraire, (84) /// et reconnus comme une de ces idées à capuchon vert / qui prennent les hommes au dépourvu (85) /// Je me penchais, alors, (86) /// mais à cause de ses yeux longs et minces / que j’ai pris pour des antennes de sauterelle (87) /// d’une indistinction certaine (88) /// [page vide, canson noir] [] /// [double page vide, Canson noir] /// non pas pour la beauté de sa démarche (92) /// Une d’entre elles attira notamment mon attention (93) /// Je faillis ne pas les apercevoir / tant elles étaient creuses au milieu d’oublis / et de vertiges sans nom (94) /// au vol de mes distractions (95) /// qu’il eût été dommage de ne pas saisir (96) /// plane un petit nombre d’idées / très particulières (97) /// à une altitude de nul pied (98) /// et, tout en grimpant, est enduit / d’un fluide léger que ses mouvements / secrètent abondamment (99) /// [page vide] /// [sur le dernier contreplat :] Paris, septembre 73»
Références
«LIT IVRE», Paralipomènes (éd, Le Soleil Noir, 1976, p. 41) mêmes phrases mais dans le désordre et parfois répétées.
«LES CRIS VAINS», Paralipomènes (p. 33), même texte sauf passage de la première du singulier (dans la présente version) à la première du pluriel (dans les édition du Soleil Noir) : intéressant de voir que dans la version de «LES CRIS VAINS» restituée dans l’album éponyme (1960-1963), le texte est le même que dans la version du Soleil Noir (1977), publiée après l’écriture de la présente version du texte (1973).
Le texte «DROIT DE REGARD SUR LES IDÉES», Paralipomènes (p. 9-18) habille la majorité des pages de l’album : p. 30 à 99, mais dans le désordre, parfois par petites suites, dans le sens de la lecture ou dans le sens inverse. Quelques éléments de distinctions sont à noter par rapport au texte publié au Soleil Noir.
Organisation et description des vignettes de comics
Les scènes découpées de comics alternent entre scènes érotiques/amoureuses (harem, scènes d’amour, intrigue autour d’un mariage) et violences (bondage, viol, agression, suicide), voire mêlent les deux : à la mesure de l’échange entre les textes, eux-mêmes découpés, réinstallés hors de toute logique.
Seule logique apparente : celle des vignettes mentionnant la réalisation du mariage (correspond à certaines thématiques chez Ghérasim Luca, autour de la question de la bague, de l’anneau, et du mariage des états de la matière dans le corps sensible).
La bande-dessinée est sûrement Bikini cat, n° 5, Du sang sur la mer, Ed. Poche, 130 x 180 mm, 128 pages, août 1972, en vente pour 2,00F.
non daté [1962-1963], ex. unique. – 48 p. ; 27 x 20 x 5 cm ; (L’) – album photo, 69 clichés ; texte autographe, lettres capitales, mine de graphite sur l’album. – couv. skyvex bordeaux frappé ; 22 planches, carton fort blanc ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 091 23.
Détails
Album photo Kodak (ca. 1900-1920) de 22 planches de carton fort blanc, ajourées de part en part (2 fenêtres format carte de visite par page, orientation paysage).
Couverture skyvex bordeaux frappé, dorure «Kodak Souvenirs» sur le premier plat, très bon état ; gardes en carton rigide, doublé d’un papier blanc, trames verticales en relief ; tranches dorées.
68 photographies de formats très divers, entre carte de visite (11 x 8 cm) et 8,7 x 6 cm. Jouant sur le rapport de remplissage des ajours par les tirages, certains ajours orientés en paysage sont comblés par deux photographies orientées en portrait ; divers portraits et situations (principalement femmes, plain-pied, debout ou assises, mais aussi jeunes hommes, hommes, et couple ; fin du premier tiers, double page de départ d’un monoplan sur la plage de Dinard, ca. 1900 ; dernière double page, photographies surexposées d’une sortie de grotte).
Encart publicitaire d’appareil contre la surdité, découpé dans un magazine, ca. 1930, glissé dans un ajour en début d’album.
Textes autographes à la mine de graphite, lettres capitales, sur le fond beige et texturé de l’album à l’endroit des 19 ajours laissés vides ou laissés partiellement visibles par des photos de petit format.
Comme dans les Sept slogans ontophoniques (José Corti, 2008), où Ghérasim Luca détourne le slogan publicitaire ou politique pour moquer son intention et canaliser contre le langage son énergie, c’est ici une publicité burlesque qui vient interroger les domaines du sensible. Pour Ghérasim Luca, retourner le slogan c’est le prendre à contre-solution : opposer son évidence à sa subtilité, ouvrir la boucle sur laquelle il aurait dû se fermer.
Transcription
«[encart découpé : «SOURDS / Entendre… c’est bien / Comprendre… c’est mieux / Voilà ce que vous offre le SPECIALISTE DE L’INVISIBLE / Renseignements et Notice gratuite / C.A.F., 5, rue Tronchet, Paris, 8e / (Communiqué)»] /// SI L’ON SE LIVRE /// [encart vide] /// À DES VOIES DE FAIT /// ON TOMBE /// SOUS LE COUP /// DE LA LOI /// [deux ajours vides] /// « ENTENDRE» /// SI L’,,EN‘‘ SE LIVRE /// À DES VOIX DE FAIT /// ,,TENDRE‘‘ TOMBE /// [deux ajours vides] /// SOUS LE COUP DE LA LOI /// SILENCE /// LIVRE À DÉS /// [abondance de photos petit format insérées par deux dans les ajours] /// VOIT DE FAIT /// TENDRE TOMBE /// [deux ajours vides] /// SOUS LE COUDE /// L’ALOI /// [ajour vide] /// [double page de photos petit format glissées dans le coin bas-droit de l’ajour] /// [deux ajours vides] /// ENTENDRE… C’EST MAL [reprend l’encart pub] /// [deux ajours vides] /// COMPRENDRE… C’EST PIRE /// VOILÀ / (AVEUX SANS ACCENT GRAVE) / CE QUE VOUS / OFFRE /// LE SPÉCIALISTE DE L’INAUDIBLE /// [photos de sorties de grotte] /// AVEUGLES»
Manarola-Paris, 1963-1964, ex. unique. – 24 p. ; 23 x 22 x 4 cm ; (T) – album photo ; variations «cubomaniaques» sur des reproductions de tableaux ; texte dactylographié, rouge et noir, sur lamelles collées d’Ingres d’Arches. – couv. pleine percaline prune ; 12 planches, carton contrecollé vert d’eau ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 093 23.
Détails
Album photo «Kodak “Artista”», de 12 planches de carton contrecollé, vert d’eau sombre, ajourées de part et d’autre (4 ajours de 5,5 x 5,5 cm par page, encadrement blanc, fin, en relief).
Couverture pleine percaline prune, tranches des plats biseautées, reliure muette, très bon état.
Variations «cubomaniaques» sur des reproductions de tableaux de maîtres diverses (Van Eyck, Bellini, Cranach l’Ancien, Carpaccio, Pisanello, Dürer, Ghirlandaio) et imprimées en couleur sur papier fin, glacé, insérées dans les ajours.
Textes dactylographiés en lettres capitales sur des lamelles fines (9 x 197 mm) d’Ingres d’Arches (vergé filigrané), collées en haut ou en bas des planches (titre en rouge, sur le bord supérieur, corps du texte en noir, sur le bord inférieur, sauf un dans la double page centrale, sur le bord supérieur).
Sur la dernière page, quatre carrés de papier blanc dans les ajours, daté et localisé dans l’ajour inférieur droit.
Une clé de lecture de l’œuvre de Ghérasim Luca pourrait être qu’il impose toujours un environnement «entre chien et loup» – une recherche de l’ombre où, comme dans L’Extrême-occidentale (éd. Meyer, 1961), le contour de silhouettes dansant derrière un drap révèle de nouveaux enjeux de leur présence. Sans effacer la particularité du tableau comme de l’agent gouvernemental, leur réagencement dans l’image et dans la langue implique une reconfiguration profonde de leurs rapports. En découle une approche rafraîchie, où des continuités s’installent à la fois entre belligérants d’un conflit et fragments d’œuvres variées.
Transcription
«VIETNAM DE CHIEN /// INCITES PAR LES SERVICES SPECIAUX AMERICAINS /// EXCITES PAR LA VIEILLE DIPLOMATIE FRANÇAISE /// ENTRE CHIEN ET LOUP /// BONZES BRULES ET MADAME NHU /// ENTRE LA CHINE ET LA RUSSIE /// LE COMMUNISTE-DU-NORD /// LE COMMUNISTE-DU-NORD S’ASSOCIE /// ENTRE CHIEN ET LOUP /// A SON SOSIE /// LE CAPITALISTE-DU-SUD /// [double page centrale – seul segment du corps du texte à être collé sur le bord haut :] ENTRE LA CHINE ET LA RUSSIE LES SERVICES SPECIAUX /// ENTRE LE COMMUNISTE-DU-NORD ET LE CAPITALISTE-DU-SUD /// LA VIEILLE DIPLOMATIE FRANCAISE /// LE COMMUNISTE-DU-NORD /// ENTRE CHIEN ET LOUP /// ENTRE LE CAPITALISTE-DU-SUD ET LE COMMUNISTE-DU-NORD /// LES SERVICES SPECIAUX /// LES SERVICES SPECIAUX /// ENTRE CHIEN ET LOUP /// LA VIEILLE DIPLOMATIE FRANÇAISE S’ASSOCIE ENTRE CHIEN ET LOUP /// LES SERVICES SPECIAUX SON SOSIE /// ENTRE CHIEN ET LOUP /// LE COMMUNISTE-DU-SUD ET LE CAPITALISTE-DU-NORD /// Manarola-Paris / 1963-1964»
Références
«BONZE BRULES» : évènement du 11 juin 1963.
«MADAME NHU» : ancienne première dame du sud Vietnam.
Liste non-exhaustive des tableaux utilisés pour les cubomanies
pp. 2, 5, 12, 20 (cases sup), 22, Giovanni Bellini, «Portrait du doge Leonardo Loredan», 1501, National Gallery, Londres.
pp. 3 et 13 Lucas Cranach l’Ancien, «Vénus debout dans un paysage», 1529, Musée du Louvre, Paris.
pp. 4, 9, 11 Vittore Carpaccio, «Deux dames vénitiennes», ca. 1490, Musée Correr, Venise.
pp. 15, 18 (cases sup), 20 (cases inf) 21 Jan van Eyck, «Les époux Arnolfini», 1434, National Gallery, Londres.
pp. 1, 6, 23, Pisanello, «Portrait d’une princesse d’Este», 1449, Musée du Louvre, Paris.
pp. 17, 18 (cases inf) Albrecht Dürer, «L’Adoration des mages», 1504 , Galerie des offices, Florence.
pp. 8 Domenico Ghirlandaio, «La Visitation», 1491, Musée du Louvre, Paris.
non daté [1962-1963], ex. unique. – 54 p. ; 30 x 21 x 3 cm ; (2) – album de cartes postales, 69 cartes ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur l’album. – couv. toile cirée bleue, impression chromolithographique ; 25 planches, papier fort beige avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 090 23.
Détails
Album de cartes postales de 25 planches de papier fort beige, motifs style art nouveau, 3 systèmes d’encoches pour placer les cartes (deux en paysage ou une centrale, orientation portrait).
Couverture de toile cirée bleue, usée sur les tranches, toile plus épaisse et flexible bleue pour le dos, impression en chromolithographie de chardons sur le premier plat, et intitulé «Album pour cartes postales» ; cahiers reliés au dos cousu, agrafé ; gardes en papier fort.
69 cartes postales, dont 50 des grottes d’Arcy-sur-Cure (ca. 1930, éditeur A. Joublin, Chalet des Grottes) puis 19 des «Gorges de Fier – Environ d’Annecy» (ca. 1930) ; légendes des photographies et toponymes poétiques, dernière lettres légendée : «Les gorges du Fier – Environs d’Annecy / La sortie sur le bois du Poête».
Textes autographes à la mine de graphite, en minuscules cursives, sous les cartes postales, dans les encarts vides et sur les gardes ; orientation du texte (paysage/portrait) relative à l’orientation de la carte adjacente.
Une certaine topologie de l’album, qui impose sa navigation souterraine, embrasse l’enfermement du texte sur ses propres boucles – au bord du slogan, construit sur un balancement binaire, répété pour appuyer son effet. L’album montre ici bien l’efficacité de son dispositif, entre perte de repères par la répétition et les variations de ses accrochages, provoquant la rapidité du parcours et la plongée du lecteur dans un rythme intense. La sortie de grotte, par la référence à Platon, motive bien sûr l’idée d’un parcours initiatique par l’album.
Transcription
«Comment placer sur une orbite sans cieux / les prunelles sans yeux de nos orbites sans creux /// les lèvres sans bouche /// sous des narines /// sans trou /// l’oreille /// à l’orée de l’œil /// le dedans /// entre les dents /// et le dehors /// dedans /// Comment placer sur une orbite sans cieux /// les prunelles sans yeux de nos orbites sans creux /// les lèvres sans bouche /// sous des narines sans trou /// l’oreille /// à l’orée de l’oeil /// la rétine /// à même le tympan /// le dedans /// entre les dents /// et le dehors /// dedans /// Par la bouche qui bouche la bouche / la bouche qui bouche l’oreille /// et par l’oreille qui bouche l’oreille /// l’oreille qui bouche la bouche /// les yeux dans les yeux clos /// sous des paupières en pierre / aux cils silencieux /// Comment placer sur une orbite sans cieux / les prunelles sans yeux de nos orbites sans creux /// les lèvres sans bouche /// sous des narines sans trou /// l’oreille /// à l’orée de l’oeil /// la rétine /// à même le tympan /// le dehors /// dedans /// et le dedans /// entre les dents /// [deux dernières doubles pages orientation paysage, permet de réécrire intégralement le texte dans l’espace de deux doubles pages :] Comment placer sur une orbite sans cieux /// les prunelles sans yeux de nos orbites sans creux /// l’oreille à l’orée de l’œil la rétine à même le tympan /// le dedans entre les dents et le dehors dedans»
Références
Le texte de l’album est repris dans «D’Audiant à voyant», Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 43. Par rapport à la version courante du texte, il est ici répété quatre fois, avec de légère variations :
Le segment «la rétine /// à même le tympan» est absent de la première itération, mais ajoutée lors des trois suivantes. Le texte publié au Soleil Noir suit cette dernière : «Comment placer sur une orbite / sans cieux / les prunelles / sans yeux / de nos orbites / sans creux ? // les lèvres / sans bouche / sous des narines / sans trou ? // l’oreille à l’orée de l’œil / la rétine à même le tympan / le dedans entre les dents / et le dehors dedans ?».
Le paragraphe suivant est inédit : « Par la bouche qui bouche la bouche / la bouche qui bouche l’oreille /// et par l’oreille qui bouche l’oreille /// l’oreille qui bouche la bouche /// les yeux dans les yeux clos /// sous des paupières en pierre / aux cils silencieux».
Dispositif dans la continuité de l’album LIT IVRE (cartes postales, grottes, écriture cursive), et texte similaire à la première face de l’album ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE.
Reprend la logique de répétition du même texte comme dans l’album OEDIPE SPHINX (24’).
non daté [1962-1963], ex. unique. – 24 p. ; 30 x 24 x 3 cm ; (P) – album photo, 32 clichés ; texte dactylographié sur supports divers, texte autographe au verso ou sous les encarts. – couv. cuir noir frappé ; 8 planches, carton fort ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 100 23.
Détails
Album photo de 8 planches de carton fort, ajourées de part en part (1 et 4 fenêtres par page, ovales ou rectangulaires), dorures sur l’encadrement des ajours, de la page et des fentes d’insertion.
Couverture cuir noir frappé, relief et filet doré sur le premier plat et le plat arrière, inscription de «relatives» en dorures sur le dos, tranches dorées ; tranches de couverture et coiffes usées, premier plat gondolé ; gardes de papier fort, doublé d’un papier blanc moiré et strié, deuxième garde de carton fin, «Album» calligraphié style victorien et motifs floraux.
32 photographies fin XIXe, dont 31 format carte de visite, 1 format cabinet (la première) ; portraits en situation d’un couple et de leur entourage, à Milan (par ex devant le monument funéraire de Barnabé Visconti, avant qu’il ne soit déplacé de l’église San Giovanni de Conca), mariage.
Textes dactylographiés à l’encre noir sur plusieurs types de supports (pour les petits ajours : cartes bristol beiges format cartes de visite ; pour les grands ajours : papier léger, beige et bleu, coupé et plié au format cabinet).
Textes autographes à la mine de graphite derrière chaque texte dactylographié, soit au dos des photos qui suivent, soit au dos du feuillet dactylographié (seulement visible en sortant les feuillets ou les photographies).
QUI VOYEZ-VOUS ? oscille entre le pastiche de l’interrogation cartésienne et la tautologie frénétique – du moins d’apparence. Puisque, comme le rappelle Dominique Carlat, il n’est pas question d’envisager ce texte comme une variation sur l’incommunicabilité – tendance psychologisante qui anémie la poésie de Luca –, mais bien comme une «expérience par laquelle chacune des deux ‘‘identités’’ se constitue dans la reconnaissance de son instabilité» (Ghérasim Luca l’intempestif, 1998, p. 267-268). C’est-à-dire le constat d’une reconnaissance dont la seule vérité est qu’elle est et demeure fantomatique : ainsi se justifient les photographies où, sur une même planche, des individus reviennent d’un cliché à l’autre, comme une vérification de leur présence.
Transcription
«QUI VOYEZ-VOUS ? /// Nous ne voyons personne /// Nous voyons parfois quelqu’un / sinon comme quelqu’un qu’on voit / du moins comme quelqu’un qu’on voit parfois /// Parfois / nous voyons quelqu’un / mais en général / nous ne voyons / personne /// Quand nous voyons quelqu’un / nous ne voyons personne /// Mais personne ne voit qu’en ne voyant personne / on voit toujours quelqu’un /// On voit bien que nous nous voyons / puisque nous nous voyons parfois / quoique pas toujours pour se voir / et encore moins pour voir / que l’on ne se voit pas /// [très bas sur le feuillet, presque masqué par le cadre, bas du feuillet déborde de la fente] Comme si personne ne voyait /// [passage en orientation paysage] /// Quelqu’un voit pourtant /// que nous ne voyons pas / et que nous voyons pourtant / quelqu’un /// parfois /// Comme si / nous ne voyons / personne /// et comme si nous voyons pourtant / quelqu’un /// Mais en général / nous ne voyons personne / même quand nous voyons quelqu’un / et quand quelqu’un voit / que nous ne voyons personne»
Références
Texte intégral et sans différence (sinon des majuscules) de la version de «Qui voyez-vous» des Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 30-31.
non daté [ca. 1980], ex. unique. – 92 p. ; 29 x 22 x 6 cm ; (ø) – album de cartes postales, 158 cartes ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur dos de carte ; collage d’extraits de journaux ; cartes colorisées. – couv. carton contrecollé gris ; 44 planches, papier fort avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 098 23.
Détails
Album de cartes postales grand format, de 44 planches de papier fort bruni, 3 systèmes d’encoches pour placer les cartes (deux en paysage ou une centrale, orientation portrait).
Couverture en carton contrecollé gris, frappée (premier plat : «Cartes Postales», femme et papillons), coins, mors et dos couvert en toile enduite effet cuir, verte ; traces d’usure, coins et mors partiellement décollés, reliure partiellement déboîtée et certaines planches détachées ; gardes en papier fort bruni, étiquette «galeries lafayette» sur le premier contreplat.
158 cartes postales (une ou deux par page), parfois en couleur, de lieux divers sans ordonnancement logique.
Texte autographe à la mine de graphite, écriture cursive, sur la seule carte postale retournée, en page de titre.
Ajouts de couleurs sur certaines cartes postales en noir et blanc, ou par surimposition sur les cartes déjà en couleur ; une carte postale avec dessins aux points.
Deux collages d’extraits d’articles illustrés, issus du journal Le Monde du 17 octobre 1980 (date et source autographes au format «17 X 80», à même les collages à la mine de graphite) ; collages sur les deux faces de feuilles bristol lisses découpées au format carte postale et insérés ou à demi insérées dans les encoches de l’album.
Cet album tardif adopte un fonctionnement singulier. C’est ici un jeu de proximité et de contrastes entre photographies qui met l’album en tension. Des thèmes redondants, couleurs ou scènes dénotant avec l’ensemble – s’il en est un -, semblent fonctionner sans règles tout en imposant une certaine poétique de la scénographie. Comme le rappelle le deuxième collage d’article, c’est bien contre «la tyrannie de nos modes de pensée» et vers une existence dite non-oedipienne que Ghérasim Luca dirige ses œuvres – et l’invention de voies d’expression neuves en est la clé de voûte.
Référence des articles
Extraits du journal Le Monde du 17 octobre 1980 :
– Jacques Meunier, «Le regard de Pierre Clastres, Un ethnologue qui savait regarder» (collé au verso de la carte p. 73).
– François Bott, «L’amour de la servitude» (collé au recto de la carte p. 73).
– encart découpé «* Dessin de Bérénice CLEEVE», entre les deux colonnes de l’article «l’amour de la servitude».
– Roland Jaccard, «Ivresse nietzschéenne et sobriété freudienne», (une seule colonne collée sur la partie gauche d’une feuille bristol, au verso, dessin d’illustration de l’article par J.-P. Cagnat, superposé, inséré dans les encoches inférieures, cartes postale «Souvenir de Bostock», 6 lions en intérieur) + mention autographe à la mine de graphite «,,Le monde’’ / 17 X 80».
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