non daté [1962-1963], ex. unique. – 24 p. ; 30 x 24 x 3 cm ; (P) – album photo, 32 clichés ; texte dactylographié sur supports divers, texte autographe au verso ou sous les encarts. – couv. cuir noir frappé ; 8 planches, carton fort ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 100 23.
Détails
Album photo de 8 planches de carton fort, ajourées de part en part (1 et 4 fenêtres par page, ovales ou rectangulaires), dorures sur l’encadrement des ajours, de la page et des fentes d’insertion.
Couverture cuir noir frappé, relief et filet doré sur le premier plat et le plat arrière, inscription de «relatives» en dorures sur le dos, tranches dorées ; tranches de couverture et coiffes usées, premier plat gondolé ; gardes de papier fort, doublé d’un papier blanc moiré et strié, deuxième garde de carton fin, «Album» calligraphié style victorien et motifs floraux.
32 photographies fin XIXe, dont 31 format carte de visite, 1 format cabinet (la première) ; portraits en situation d’un couple et de leur entourage, à Milan (par ex devant le monument funéraire de Barnabé Visconti, avant qu’il ne soit déplacé de l’église San Giovanni de Conca), mariage.
Textes dactylographiés à l’encre noir sur plusieurs types de supports (pour les petits ajours : cartes bristol beiges format cartes de visite ; pour les grands ajours : papier léger, beige et bleu, coupé et plié au format cabinet).
Textes autographes à la mine de graphite derrière chaque texte dactylographié, soit au dos des photos qui suivent, soit au dos du feuillet dactylographié (seulement visible en sortant les feuillets ou les photographies).
QUI VOYEZ-VOUS ? oscille entre le pastiche de l’interrogation cartésienne et la tautologie frénétique – du moins d’apparence. Puisque, comme le rappelle Dominique Carlat, il n’est pas question d’envisager ce texte comme une variation sur l’incommunicabilité – tendance psychologisante qui anémie la poésie de Luca –, mais bien comme une «expérience par laquelle chacune des deux ‘‘identités’’ se constitue dans la reconnaissance de son instabilité» (Ghérasim Luca l’intempestif, 1998, p. 267-268). C’est-à-dire le constat d’une reconnaissance dont la seule vérité est qu’elle est et demeure fantomatique : ainsi se justifient les photographies où, sur une même planche, des individus reviennent d’un cliché à l’autre, comme une vérification de leur présence.
Transcription
«QUI VOYEZ-VOUS ? /// Nous ne voyons personne /// Nous voyons parfois quelqu’un / sinon comme quelqu’un qu’on voit / du moins comme quelqu’un qu’on voit parfois /// Parfois / nous voyons quelqu’un / mais en général / nous ne voyons / personne /// Quand nous voyons quelqu’un / nous ne voyons personne /// Mais personne ne voit qu’en ne voyant personne / on voit toujours quelqu’un /// On voit bien que nous nous voyons / puisque nous nous voyons parfois / quoique pas toujours pour se voir / et encore moins pour voir / que l’on ne se voit pas /// [très bas sur le feuillet, presque masqué par le cadre, bas du feuillet déborde de la fente] Comme si personne ne voyait /// [passage en orientation paysage] /// Quelqu’un voit pourtant /// que nous ne voyons pas / et que nous voyons pourtant / quelqu’un /// parfois /// Comme si / nous ne voyons / personne /// et comme si nous voyons pourtant / quelqu’un /// Mais en général / nous ne voyons personne / même quand nous voyons quelqu’un / et quand quelqu’un voit / que nous ne voyons personne»
Références
Texte intégral et sans différence (sinon des majuscules) de la version de «Qui voyez-vous» des Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 30-31.
non daté [ca. 1980], ex. unique. – 92 p. ; 29 x 22 x 6 cm ; (ø) – album de cartes postales, 158 cartes ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur dos de carte ; collage d’extraits de journaux ; cartes colorisées. – couv. carton contrecollé gris ; 44 planches, papier fort avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 098 23.
Détails
Album de cartes postales grand format, de 44 planches de papier fort bruni, 3 systèmes d’encoches pour placer les cartes (deux en paysage ou une centrale, orientation portrait).
Couverture en carton contrecollé gris, frappée (premier plat : «Cartes Postales», femme et papillons), coins, mors et dos couvert en toile enduite effet cuir, verte ; traces d’usure, coins et mors partiellement décollés, reliure partiellement déboîtée et certaines planches détachées ; gardes en papier fort bruni, étiquette «galeries lafayette» sur le premier contreplat.
158 cartes postales (une ou deux par page), parfois en couleur, de lieux divers sans ordonnancement logique.
Texte autographe à la mine de graphite, écriture cursive, sur la seule carte postale retournée, en page de titre.
Ajouts de couleurs sur certaines cartes postales en noir et blanc, ou par surimposition sur les cartes déjà en couleur ; une carte postale avec dessins aux points.
Deux collages d’extraits d’articles illustrés, issus du journal Le Monde du 17 octobre 1980 (date et source autographes au format «17 X 80», à même les collages à la mine de graphite) ; collages sur les deux faces de feuilles bristol lisses découpées au format carte postale et insérés ou à demi insérées dans les encoches de l’album.
Cet album tardif adopte un fonctionnement singulier. C’est ici un jeu de proximité et de contrastes entre photographies qui met l’album en tension. Des thèmes redondants, couleurs ou scènes dénotant avec l’ensemble – s’il en est un -, semblent fonctionner sans règles tout en imposant une certaine poétique de la scénographie. Comme le rappelle le deuxième collage d’article, c’est bien contre «la tyrannie de nos modes de pensée» et vers une existence dite non-oedipienne que Ghérasim Luca dirige ses œuvres – et l’invention de voies d’expression neuves en est la clé de voûte.
Référence des articles
Extraits du journal Le Monde du 17 octobre 1980 :
– Jacques Meunier, «Le regard de Pierre Clastres, Un ethnologue qui savait regarder» (collé au verso de la carte p. 73).
– François Bott, «L’amour de la servitude» (collé au recto de la carte p. 73).
– encart découpé «* Dessin de Bérénice CLEEVE», entre les deux colonnes de l’article «l’amour de la servitude».
– Roland Jaccard, «Ivresse nietzschéenne et sobriété freudienne», (une seule colonne collée sur la partie gauche d’une feuille bristol, au verso, dessin d’illustration de l’article par J.-P. Cagnat, superposé, inséré dans les encoches inférieures, cartes postale «Souvenir de Bostock», 6 lions en intérieur) + mention autographe à la mine de graphite «,,Le monde’’ / 17 X 80».
non daté, ex. unique. – 68 p. ; 25 x 32 x 3 cm ; (ø) – carnet de dessin «Alphonse Giroux» ; croquis et études fusain originales signées «E. A. Prevost» ; 2 photographies ethniques ; texte autographe, mine de graphite autour des croquis. – couv. demi-basane orange et rouge. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 092 23.
Détails
Carnet de dessin «Alphonse Giroux» (ca. 1799-1839), format à l’italienne, 34 planches (68 pp.) de papier à dessin de grammage moyen, grain léger, feuilles jaunies sur les bords.
Couverture demi-basane orange et rouge texturée, usées sur les tranches, coiffes fendues, cahier presque entièrement déboité.
Croquis et études sur chaque belle page, à la mine de graphite, au fusain ou à la peinture à l’huile ; signature au premier contreplat «E. A. Prevost» présenté comme «jardinier-fleuriste» (p. 2), à la mine de graphite.
Au-dessus du titre autographe en lettres capitales à la mine de graphite : deux cartes postales colorisées, identiques, collées sur le premier contreplat («(27) TONKIN : Marché le long de la ligne du Chemin de fer de Liang-Son en face la ferme des Pins», Editions Victor Fiévet, ca. 1949-1954, Vietnam, photographie ethnique).
Texte autographe, plus ou moins en lien avec les croquis et études, en lettres capitales ou minuscules cursives, à la mine de graphite ; textes positionnés et orientés en fonction de l’espace laissé par les dessins.
Une trame semble se tisser à quatre main. L’album et l’enchaînement des croquis suscite l’ordonnancement des variations de Ghérasim Luca. Contrairement aux autres albums, où l’auteur est également l’opérateur d’un grand nombre de modifications (ordre des images, choix de ses espaces d’écriture), le texte doit ici trouver sa place dans les espaces laissés par le fusain, impliquant une composition toute différente, à la fois allongée dans le temps et fragmentée par le pictural.
Transcription
(texte de Luca en gras ; informations, notations et description des dessins d’origine entre crochets ; pagination entre parenthèses, quand une page n’est pas mentionnée, elle est vide)
«[premier contreplat, deux cartes postales, photos ethniques du Tonkin collées] LANGUE-SON /// [croquis floraux, et végétaux dont quelques uns en couleur + tentatives de calligraphie signature] /// [inscription «M N Monsieur Prevost – Jardinier – fleuriste» + croquis bouquets de fleur] ANTI-NOM-ET-MOMIE (2) /// [croquis bouquet de fleur, dont deux en couleur + deux portraits rapides, dont un caricatural + tentatives de calligraphie «madame / d / madame / madame / monsieur / mademoiselle / m» + croquis oiseau] /// [6 études de nez au fusain] l’humanité souffle (5) /// [deux études de nez, une d’oreille, au fusain] la féminité vibre (7) /// [deux études d’oreilles au fusain] oreille d’avant nez (9) /// [deux études d’oreilles au fusain] avant-né (11) /// [une étude d’oreille au fusain, orientation portrait] personne (13) /// [une étude de bas de visage au fusain] son d’âge (15) /// [une étude de bas de visage au fusain, expression neutre] son d’ange (17) /// [une étude de bas de visage au fusain, léger sourire] son d’ange heureux (19) /// [une étude de voûte plantaire, au fusain, orientation portrait] cri de plante (21) /// [une étude de pied plié, au fusain, orientation portrait] cri de ch’ose (23) /// [une étude de pied, plongée, au fusain, orientation portrait] percant (25) /// [une étude de pied, avec sandale, plongée, au fusain, orientation portrait] sens-cri (27) /// [deux études de pieds, un en sandale, l’autre nu, plongée, au fusain] en son double aimant / ,,aimant’’ ch’ose ,,aimant’’ verbe (29) /// [une étude de main appuyée, au fusain] et prise d’oracle soudain : perte vive (31) /// [une étude de main sur une grappe de raisin, au fusain] v’ivre (33) /// [trois études au fusain, un rocher, un puits, deux buissons] son élément (eau sans voyelles) en dérive (35) /// [une étude de maison en ruine au fusain] ,,son’’ / résonne et s’appartient (37) /// [une étude, de maison et portail, une de branche, au fusain, orientation portrait] ,,élément’’ / aile aimant // ,,en dérive’’ ch’ose et ,,en dérive’’ verbe (39) /// [une étude de puit rectangulaire, et deux de feuillages et branche, au fusain, orientation portrait] l’antinomie FEMME dénude de nu-âge d’or la momie HOMME (41) /// [une étude au fusain de maison dans les bois, tronc fleuri et champignons au premier plan, orientation portrait] en tête de ,,raison’’, la tête de ,,marbre’’ le marbre acéphale et la maison (43) /// [étude au fusain d’un arbre penché, végétaux et fleurs au premier plan, orientation portrait, texte entre les deux éléments] l’arbre de vide (45) [une étude au fusain de pont et arbre au dessus d’une rivière, une étude de rocher] et l’arc-en-eau (47) /// [une étude au fusain de portail de bois brisé, une d’arbre, orientation portrait, texte au dessus des études] quittent l’arbre de vie pour l’arbre vie de… (49) /// [étude au fusain d’une branche d’arbre têtard, orientation portrait] à quitte ou double / para-lit et sans ciel (51) /// [étude au fusain d’une branche et de feuillages, orientation portrait] vague écho d’écho-vague (53) /// [étude au fusain d’un buisson type if, orientation portrait] écho de feuille (feu-œil) à l’oreille (l’or-œil) d’Orphée (d’or-fée) (55) /// [étude au fusain de branches et feuillages] forêt à l’orée des corps (57) /// [étude au fusain de branches et feuillages d’arbre résineux, orientation portrait] écho des corps (59) /// [étude au fusain de branches et feuillages] échorps (61) /// [étude au fusain de branches et feuillages] à corps perdu accord perdu (63) /// [étude à la mine de graphite du château de Montigny-le-Gannelon] S’ÈVE D’HOMMBRE (65)»
Transcription texte seul : «LANGUE-SON /// ANTI-NOM-ET-MOMIE (2) /// l’humanité souffle (5) /// la féminité vibre (7) /// oreille d’avant nez (9) /// avant-né (11) /// personne (13) /// son d’âge (15) /// son d’ange (17) /// son d’ange heureux (19) /// cri de plante (21) /// cri de ch’ose (23) /// percant (25) /// sens-cri (27) /// en son double aimant / ,,aimant’’ ch’ose ,,aimant’’ verbe (29) /// et prise d’oracle soudain : perte vive (31) /// v’ivre (33) /// son élément (eau sans voyelles) en dérive (35) /// ,,son’’ / résonne et s’appartient (37) /// ,,élément’’ / aile aimant // ,,en dérive’’ ch’ose et ,,en dérive’’ verbe (39) /// l’antinomie FEMME dénude de nu-âge d’or la momie HOMME (41) /// en tête de ,,raison’’, la tête de ,,marbre’’ le marbre acéphale et la maison (43) /// l’arbre de vide (45) /// quittent l’arbre de vie pour l’arbre vie de… (49) /// à quitte ou double / para-lit et sans ciel (51) /// vague écho d’écho-vague (53) /// écho de feuille (feu-œil) à l’oreille (l’or-œil) d’Orphée (d’or-fée) (55) /// forêt à l’orée des corps (57) /// écho des corps (59) /// échorps (61) /// à corps perdu accord perdu (63) /// S’ÈVE D’HOMMBRE (65)»
Références
«APOSTROPH’ APOCALYPSE», Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 71 : «Le m’onde s’onde / anse d’un bol / Et l’on passe / de «passe» chose / en «passe» verbe / de la chose à la ch’ose».
«APOSTROPH’ APOCALYPSE», Paralipomènes, p. 69 «V’ivre l’apocalypse / c’est v’ivre la vie manquée».
«APOSTROPH’ APOCALYPSE», Paralipomènes, p. 71 : «l’«eau» sans voyelle / en quête sans-cible».
«APOSTROPH’ APOCALYPSE», Paralipomènes, p. 74-75 : «Ce n’ombre acéphale / résonne hors mesure / La quête sans queue ni tête en dérive / «en dérive» chose» / et «en dérive» verbe».
«Les vaincus», Théâtre de bouche (José Corti, 2008), p. 71 : «PREMIER LUTTEUR : A corps perdu / DEUXIEME LUTTEUR : Accord à corps perdu / PREMIER LUTTEUR : Eperdu corps à corps des accords / DEUXIEME LUTTEUR : désaccord à corps perdu» etc.
Album LE SERF-PAN SIFFLE : «SOUS L’ARBRE / DE / VIDE /// S’ON /// HOMMBRE /// S’ÈVE».
non daté [1962-1963], ex. unique. – 54 p. ; 15,5 x 12 x 6,5 cm ; (6’) – album photo, 38 clichés ; texte autographe, lettres capitales, mine de graphite sur Canson crème. – couv. chagrin marron ; 25 planches, carton fort ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 095 23.
Détails
Album photo de 25 planches de carton fort ajourées des deux côtés (1 fenêtre par page).
Couverture de chagrin marron avec reliefs centraux en bois et cuir doré, dos cuir nervuré et notation «ALBUM», chasses renforcées par une barrette de métal cuivrée et frappée, tranches dorées ; premier fermoir métallique entier et fonctionnel, deuxième absent ; garde de papier fin strié et gondolé.
38 photographies fin XIXe siècle, format carte de visite , différents portraits (hommes, femmes, bustes, plain-pied) ; nombreuses photographies coloriées à grands traits.
Textes autographes, en capitales, à la mine de graphite, sur 9 feuillets de canson crème insérés dans les ajours ; feuillet volant retranscrit le texte, dactylographié, intercalé entre la dernière planche et la garde.
Cas unique dans ce fonds, cet album peut s’observer en parallèle de son double, l’album FUMEURS ! – et ainsi révéler les points saillants d’un projet esthétique : la mise en scène des traits de folklore, la vieille veuve, les images colorisées. Mais, du premier au second, le projet semble se clarifier, à la fois par l’ironie politique qui se distille dans FUMEURS ! et l’espacement du texte dans un album plus long.
Transcription
«FUMEURS /// PASSEZ /// DE /// ,,L’ORDRE DES ASSASSINS‘‘ /// [premières photos coloriées : 2x la même photo d’un homme] /// ’AU /// DÉSORDRE DES……… /// [à partir de là, les portraits de femmes seules, principalement des travailleuses, sont coloriés grossièrement] /// ……… /// ……… /// ……… ASTRES / ÉCOUTEZ /// LA GRANDE SOURDE /// [retranscription dactylographiée]»
Organisation des photographies
Photographies d’hommes en smoking et de soldats gradés.
Davantage de femmes.
Puis exclusivement des femmes.
Pour finir sur une vieille femme, une patriarche, cheveux blancs, assise sur une chaise, dans une robe noire, probablement une tenue de veuve.
non daté [1962-1963], ex. unique. – 24 p. ; 18 x 13 x 3 cm ; (8’) – album photo, 49 clichés ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur l’album. – couv. simili cuir vert ; 12 planches, carton fort gris ajouré. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 087 23.
Détails
Album photo de 12 planches de carton fort gris, ajourées de part en part (deux ajours rectangulaires de 4 x 6,2 cm par planche, encadrés d’une bande noire).
Couverture simili cuir vert, gros grains, dorure «PHOTOGRAPHIES» centrée, encadrement noir frappé, très bon état.
49 tirages photographiques format 7 x 4,5 cm sur papier fin, dans les ajours sauf un portrait de soldat, volant, glissé entre la couverture et la première planche (au dos, autographe : «zéro / coup de feu»), et un négatif de même format, identique aux photos de la première page et partiellement superposé au tirage dans le premier ajour ; photographies de monuments (châteaux de Fontainebleau, de Versailles, de Malmaison et de Chantilly), scènes en extérieur (portraits en extérieur, vues sur la Seine, forêt, paysages), 18 portraits d’un même homme (ca. 60 ans, moustache, costume sombre, chapeau, veste longue, fumeur).
Texte autographe à la mine de graphite, écriture cursive ; titre sur le dos de la photographie volante, et corps du texte sur l’intérieur cartonné de la quatrième de couverture, orientation paysage.
Cet album exploite la portée narrative de l’agencement d’images. Un même personnage fait irruption de page en page entre photographies de monuments et de paysages. Le texte est repoussé au dernier contreplat, plutôt que dispersé au fil de l’album, comme pour lui laisser sa place. William Blake se trouve incarné par ce personnage anonyme, pour devenir l’auteur d’une fusillade à «zéro coup de feu».
Transcription
«[sur une photographie volante en début d’album :] zéro / coup de feu /// [sur la dernière garde :] un certain Mr. William Blake / – browning, browning, Mr. William ! / tire / (à l’arc-enfer / l’arc-en ciel sans-cible) / sur Monsieur (Loup) K // zéro coup de feu / fleur de peau / (de chaussure)»
Références
Texte proche de l’album CABBALEROS : «TIR’ // À L’ARC /// ENFER /// ZÉRO / COUP DE FEU».
Reprend une notation de l’album LE CRI TAIRE : «MONSIEUR (LOUP) /// …K».
Suit la logique de l’album L’ARC ENFER, mais aussi de TIR À L’ARCANE MAJEUR : «tir à l’arc-en-ciel /// on tir’ à l’arc-enfer /// suspendu par les cordes sans arc /// parler corde /// dans la maison / sans / cible».
Zéro coup de feu est repris en titre de section, «ZÉRO COUP DE FEU», La Proie s’ombre (José Corti, 1991), p. 40.
Particularités
Il s’agit du seul album dans lequel le texte est ainsi rejeté en fin d’ouvrage.
Organisation des photographies
Photographie de Fontainebleau.
Photographie de Versailles, statue du Général Hoche / place du marché.
Photographie de scènes en extérieur (portraits en extérieur, vue sur la Seine, forêt, roches, paysages).
Photographie du Château de Malmaison.
Photographie du Château de Chantilly.
Un homme revient sur 18 photographies (ca. 60 ans, moustache, costume sombre, chapeau, veste longue, fumeur) en portrait ou présent dans des paysages.
Un portrait de soldat, photographie volante, glissée entre la couverture et la première planche ; au dos de celle-ci, manuscrit à la mine de graphite : «zéro / coup de feu».
non daté, ex. unique. – 104 p. ; 18 x 15 x 5,5 cm ; (ø, S) – livre collage à partir d’un album de cartes postales ; «petit poème» à partir de 158 gravures de dictionnaire légendées sur papiers divers ; mentions autographes et signature à la mine de graphite. – couv. percaline crème frappée ; 50 planches, papier fort gris avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 089 23.
Détails
Livre collage à partir d’un album de cartes postales de 50 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture en percaline crème frappée, étiquette effritée au dos, coiffes usées ; gardes en papier fort, autocollant «S» sur la première garde, notation non-identifiée et signature autographe à la mine de graphite sur la dernière garde.
100 cartons découpés au format carte postale (14,1 x 6,2 cm), 14 en bristol blanc satiné, 86 en Montgolfier-Canson (Davézieux et Annonay), noir texturé et filigrané, insérés dans les encoches.
158 gravures illustratives de dictionnaire légendées et extraits de légendes découpés et collés sur les feuilles bristol et Canson ; extraits d’un dictionnaire type Larousse universel en deux volumes, agencés pour former un «petit poème».
Mentions autographes à la mine de graphite page 64.
Cet album suit une pratique proche de la Série Brésil, analysée par Sibylle Orlandi (Thèse de doctorat, «Les signes en jeu : surgissement et opacification dans les créations poétiques et plastiques de Ghérasim Luca», p. 484), et discutée dans l’ouvrage dédié, Série Brésil, publié par le CipM en 2008. Cette position vis-à-vis du dictionnaire, entre utilisation et détournement, permet de mieux comprendre le rapport qu’entretient l’auteur aux images trouvées qui composent les albums, mais aussi de saisir de plus près la méticulosité nécessaire au travail de l’album. On note des travaux analogues, notamment le «Dictionnaire critique» de Georges Bataille et Michel Leiris ou le Dictionnaire abrégé du surréalisme de Breton et Eluard. Voir à ce sujet Les dictionnaires surréalistes (1924-1974), alphabet et déraison (Pierre-Henri Kleiber, Honoré Champion, 2013).
Transcription
(la numérotation entre crochets correspond aux seules mentions autographes, à la mine de graphite) «Miroir à alouettes // Petit poème, / If. / If. /// Manière de tracer un cœur au moyen de deux triangles équilatéraux. /// Spirale à quatre centres. triangle équilatéral ; à quatre […] tués aux quatre sommets des […] // Tritons. /// Triton. // vaut une triple croche /// Triangle. // Sphinx. /// Soupir. /// Prométhée. /// Oedipe et le Sphinx. /// Tribart. / Trident // Vis-à-vis. /// Orphie. /// Orphée. // homme et / Minotaure // qui naquit de / Vénus. /// fut noyé par / Neptune. // qui naquit de / Vénus. /// Viole d’amour. /// Spirale à quatre centres. /// Neptune. // Minotaure.. /// Licorne. // Centaure. /// Noeud d’anguille. // Cadenas. // Profil. // Clef. /// Noeud d’anguille. // Clef. // Profil. // Cadenas. /// Coccinelle. // Vestale. /// Glace à la main. // Atlas. /// Isis. // Seconde. /// Pan. // Pan. /// Horus. /// Saturne. /// Notes carrées. /// Carré. // Cercle. // Cercle. // Carré. /// lat. spirare, respirer, et / Spirorbe. / communément aigles. /// Prométhée. /// Aigle et aiglons. /// Sources minérales / Griffon. // Les ailes de l’aigle / Dragon. // Rhododendron. /// Bombardon / Baryton. / Tympanon. / Hélicon. / Clairon. / Tétrodon. / Tetrodon. Gros marteau pour abattre /// Les sept (cartes). /// Trille. /// Flûte de Pan. // Crible. // Tambour. /// Hibou. // Effraie. // Hibou. /// Planche. // Dé à coudre. // Coupe. // Dé à jouer. /// Cithare. // Grille. // Cithare. /// Solitaire (jeu). // Effraie. // Solitaire (jeu). /// Osiris. // Osiris // Cymbales. /// Cymbales. // Anubis. // Anubis. /// Ophicléide. // Momie. // Aimant. // Oedipe et le Sphinx. // Jumelles. /// [4] Cornes d’appel. // [3] Cor de chasse. // [2] Aimant. // [1] Néo-cor. /// Trompette d’harmonie. // Vive. // Coiffe. // Trompette de cavalerie. // Carnassière. // Flûte. // Régulière. // Flûte. // Irrégulière. /// Serpentaire. // Trigonocéphale. /// Torche. /// Bacchus. /// Faquir. // Tapir. // Menhir. /// Ecran. // Tatouage. // Tam-tam. /// Nage indienne. /// Pilote. /// le quart de soupir // vaut une ronde /// Ocarina. // Trimourti. // Octogone. // Saxophone. // latéral (roulé par dessus) /// le demi soupir // vaut une double croche /// Anneaux // Anneaux // Fifre. // projeté droit // Confucius. morale, d’un idéal // en avant en arrière /// Anneau. // Auréole. // Nimbe. /// Auréole. // Nimbe. // Anneau. /// le huitième de soupir // vaut une blanche /// de face en hauteur // Brahma. // Mât fixe // Clarinette. /// le seizième de soupir // vaut une noire /// en avant en arrière // Bouddha. // Mur d’assaut // Clarinette. // Grattoir. /// Cible. /// Ventouse. /// Demi-soupir. /// Syncopes. /// Silences. /// [signature :] ghérasim luca»
non daté [1962-1963], ex. unique. – 104 p. ; 21 x 15 x 6 cm ; (8, W) – album de cartes postales, 70 cartes ; texte autographe, écriture cursive sauf titre, mine de graphite sur papier blanc «Extra Strong Laser Jet», 80g. – couv. carton imprimé et percaline turquoise ; 50 planches, papier fort gris avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 088 23.
Détails
Album de cartes postales de 50 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture carton imprimé et percaline turquoise, dorures sur le premier plat et le dos, quatrième de couverture identique mais sans dorures ; dos, inscription dorée «CARTES POSTALES», motifs végétaux ; gardes en papier fort, autocollant «W» sur la première, autocollant prix et notation numéraire sur la dernière.
70 cartes postales diverses, dont une retournée sur la face écrivable pour le titre (42 photos reconstituant un itinéraire dans une grotte, le reste divisé entre photos de paysages de montagne avec cascade, de chemins ruraux ou urbains, et de photos ethniques ou de lieux d’extravagances).
Textes autographes à la mine de graphite, en capitales, sur carte postale pour le titre, minuscules cursives sur 29 feuillets blancs, de papier «Extra Strong Laser Jet», 80g filigrané, coupé au format carte postale, inséré dans les encoches.
Organisation : 8 feuillets laissés vierges (deux séparés au début, puis 3 doubles pages vers la fin) ; orientation du texte (paysage/portrait) relative à l’orientation de la carte adjacente ; texte systématiquement en vis-à-vis d’une carte postale, sauf le titre ; textes seulement lors de la première section des photographies (itinéraire suivi d’entrée et de sortie de la caverne).
Se fiant au seul principe d’association homophonique, Ghérasim Luca détourne non sans comique les catégories orthographiques ou la variation d’ordre sémantique. Le parcours de l’album opère dans un même mouvement une sortie de la caverne, thème récurrent de l’œuvre de Ghérasim Luca, pour ouvrir sur des envoûtements d’ordre mystique et des marqueurs d’une culture en marge de la norme occidentale.
Transcription
«GHƐRASIM LUCA / LIT IVRƐ /// [feuillet vierge] /// [feuillet vierge] /// lit muable / n’est point sujet à changer /// lit mortel / n’est point sujet à la mort /// lit limité / ne peut être limité /// et de lit limité : on n’a pas conservé la mémoire /// boisson acide / substance simple : lit monade /// commun dans le marais / lit-vie /// tirant sur le noir / lit-vide /// lit légal / contraire à la loi /// lit moral / contraire à la morale /// lit réel / n’est pas réel /// lit réalisable / n’est pas réalisable /// lit-monde / sale et impur /// [suite de 7 photos sans texte] /// lit vrai / cause de grands ravages /// [double page de feuillets vierges] /// point de lit-tige /// lit-dé /// et / lit-mage /// lit respirable /// lit responsable /// lit mobile /// lit-lit mi-table /// lit sans cieux /// [suite de 20 photos] /// [deux doubles pages successives de feuillets vierges] /// [11 dernières photos, dont derviches tourneurs colorisés]»
Références
Mot pour mot (sauf éventuelle coquille, «mémoré») le même texte que «LIT IVRE», Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 41, dont la transcription suit : «lit muable n’est point sujet à changer / lit mortel n’est point sujet à la mort / lit limité n’est ne peut être limité / et de lit mémoré / on a pas conservé la mémoire // boisson acide, substance simple : lit-monade /// commun dans le marais : lit-vie / tirant sur le noir, lit-vide // lit légal contraire à la loi / lit moral contraire à la morale // lit réel n’est pas réel / lit réalisable n’est pas réalisable // lit-monde sale et impur / lit vrai cause de grands ravages // points / de / lit-tige / lit-dé et lit-mage // lit respirable lit responsable lit mobile // lit-lit mi-table / lit sans cieux»
Texte également repris dans l’album Point de lit-tige.
Organisation des photographies
Grottes / cavernes, constitution d’un itinéraire vers la grotte par la chronologie des photographies.
Chemins de montagnes / cascades / chemins et routes urbaines et rurales.
Puis mélange de paysages ruraux et de photos ethniques, pour finir sur des photos ethniques (mauresques, derviches tourneurs avec chapeau colorisé, charmeurs de serpent, charmeurs d’oiseaux (à Paris), peuple Sara).
Dernière photo : service postal, charrette tractée par un chien.
Paris, 1965, ex. unique. – 50 p. ; 14 x 20 x 5,5 cm ; (ø) – album photo leporello, 50 clichés ; un texte autographe sur chaque face, mine de graphite sur l’album. – couv. soie tressée ; 25 volets, carton fort blanc. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 085 23.
Détails
Album photo japonais sous forme de leporello de 25 volets, deux suites de textes différentes au recto ou au verso.
Plats recouverts de soie japonaise tressée, bleue et orange passé, usures majeures sur les angles laissant le bois apparent.
Photographies collées sur les doublures de carton blanc du leporello, enluminées par Micheline Catti ; 50 photographies, dont 25 paysages japonais (urbains, ruraux, sculptures, scènes de vie) et 25 scènes de genre autour des geishas et de leur quotidien.
Textes autographes à la mine de graphite directement appliqués sur les pages de l’album ; pour la première face du leporello, lecture horizontale, textes en minuscules sous les photographies, alignés sur le côté proche du pli central ; pour la seconde face, orientation verticale puis horizontale, textes en capitales, sous les photo ; page de titre sur le contreplat, signature sous la première photographie.
L’«ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE» s’envisage pour Ghérasim Luca comme un traitement du texte. Si l’ontophonie est le principe sonore à la base de la pensée de l’auteur – «le terme même de poésie me semble faussé / je préfère ontophonie» (Je m’oralise, José Corti, 2018) –, la photographie y apporte un nouvel écho : après avoir pensé la rupture de la distinction entre scriptural et sonore, ces albums y ajoutent une composante picturale. Les boucles tautologiques comme «LA PAROLE COMME MANIÈRE DE VOIR / LA VISION COMME FAÇON DE PARLER» appuient cette indistinction où son, texte et vision se superposent et concourent sans hiérarchie à l’existence de l’objet-livre.
Transcription
Première face : «[page de titre] ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE / D’UN MANUSCRIT DE LUCA / (LE TANGAGE DE MA LANGUE) / ENLUMINÉ / PAR / MICHELINE / (L’ILLUMINATRICE) / PARIS 1965 /// [signature] /// comment /// placer /// sur une orbite /// sans cieux /// les prunelles /// sans yeux /// de nos orbites /// sans creux /// [double page vierge] /// les lèvres /// sans bouche /// sous des narines /// sans trous /// [double page vierge] /// l’oreille /// à l’orée de l’œil /// la rétine /// à même le tympan /// le dedans /// entre les dents /// et le dehors /// dedans»
Deuxième face : «LA PAROLE /// [double page vierge] /// COMME MANIÈRE /// DE VOIR /// [2 double pages vierges] /// LA VISION /// [double page vierge] /// COMME FAÇON /// DE / PARLER /// OU /// BARRER /// [passage au format horizontal jusqu’à la fin] (d’un trait d’union) /// LE BARRAGE /// QUI SÉPARE /// L’EAU /// DU FEU /// ET VOYANT /// D’AUDIANT»
Références
– La première face du leporello est reprise dans le texte «D’audiant à voyant», Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 43, transcription ci-dessous. Également repris dans l’album COMMENT PLACER SUR UNE ORBITE SANS CIEUX. Ci-dessous sa transcription : «Comment placer sur une orbite / sans cieux / les prunelles / sans yeux / de nos orbites / sans creux ? // les lèvres / sans bouche / sous des narines / sans trou ? // l’oreille à l’orée de l’œil / la rétine à même le tympan / le dedans entre les dents / et le dehors dedans ?»
– La deuxième face du leporello est reprise et remaniée dans les Sept slogans ontophoniques (éd. José Corti, 2008) p. 71, ci-dessous sa transcription : «BARRANT D’UN TRAIT / (D’UNION) / LE BARRAGE / QUI / SÉPARE / L’EAU / DU / FEU / LA PAROLE COMME MANIÈRE DE VOIR / LA VISION COMME FAÇON DE PARLER / BARRENT D’UN TRAIT / (D’UNION) / LE BARRAGE QUI SÉPARE / VOYANT D’AUDIANT»
Remarques
Étonnamment, seul le titre du texte Le Tangage de ma langue est repris alors que le titre mentionne «ONTOPHONIE PHOTOPHONIQUE D’UN MANUSCRIT DE LUCA (LE TANGAGE DE MA LANGUE)» (Le Tangage de ma langue est un texte ancien, première édition à 3 exemplaires ca. 1949 avec gravures de Victor Brauner, retranscrit et lu, publié dans le DVD «Comment s’en sortir sans sortir», José Corti, 2001).
non daté [1962-1967], ex. unique. – 104 p. ; 18 x 13 x 5 cm ; (ø) – album de cartes postales, 59 cartes ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur dos de cartes. – couv. percaline imprimée ; 49 planches, papier fort gris avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 082 23.
Détails
Album de cartes postales de 49 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture en percaline motif imprimé style boteh ; dos décollé, volume à demi déboîté, quelques réparations d’époque au scotch sur les encoches arrachés ; gardes papier fort gris.
59 cartes postales des années 1910-1920 réunies en séries suivies (Cours Dupanloup, Message Maritime, Ecole des Arts et Métiers, portraits ethniques).
Textes autographes, écriture cursive, à la mine de graphite, sur 42 cartes postales retournées (dont 4 laissées vierges) ; reproduction de la deuxième moitié du texte homonyme publié par Brunidor en 1967, «illustré par Micheline Catty».
Inscriptions horizontales ou verticales selon l’orientation de la lettre en vis-à-vis ; page de titre autographe à la mine de graphite, en lettres capitales ; agencement presque régulier des manuscrits et photographies, avec, pour chaque double page, une carte postale et une carte retournée et écrite, sauf pour la page de titre, seule, 10 doubles pages de photographies.
Les deux volumes des albums «DROIT DE REGARD SUR LES IDÉES» offrent une perspective inédite sur la genèse d’un des textes majeurs de l’œuvre de Ghérasim Luca. Son parcours éditorial du vivant de l’auteur – entre l’album, la publication de 1967 chez Brunidor, de 1976 au Soleil Noir et de 1989 chez José Corti – peut surprendre autant par la variété des dispositifs d’accueil du texte que par la permanence de sa structure entre les années 1960 et 1980. Comme souvent chez Ghérasim Luca, étiré entre plusieurs médiums (texte, voix, image, film, sculpture, dessin, peinture), le texte s’enrichit de cette diversité par ce que Dominique Carlat appelle un état de «superposition» des modalités du poème (Ghérasim Luca l’intempestif, José Corti, 1998, p. 293).
Transcription
«DROIT DE REGARD / SUR LES IDÉES / ( SUITE ) /// [orientation horizontale] Eux qui normalement / se laissent fasciner / tout de suite /// étaient comme aveuglés / par des larmes secrètes / et des gémissements saccadés / sortaient de leurs orbites /// On comprendra que ce soit là / un exemplaire extrême / à perte de vue /// Quand au long regard /// il n’arrive presque jamais / à pénetrer / dans l’œil de l’idée /// il n’y a d’ailleurs rien pour l’y attirer /// Seuls / les voyageurs à courte vue /// en dépit des choses / plutôt rudes / à l’entrée /// subissent / un traitement / plus doux /// et on les laissent / se retirer /// au bout d’une demi-heure /// [double page photo] /// [lettre vierge] /// ce qui vaut mieux /// que d’être retenu à vie /// On trouve pour certains / un exemple de long / emprisonnement /// C’est l’acte / de cesser de regarder / qui déclanche / le mécanisme de libération /// mais les voyoux / ne procèdent pas toujours / progressivement /// et s’ils se produit / le moindre contre-temps / l’œil de l’idée / ne s’ouvrira plus /// L’idée que j’ai vu / était ainsi /// Son œil était privé / de lumière /// mais / il dégageait une lueur / masquée /// [orientation verticale] qui attirait /// A moins que les glandes / idéatives / ne secrètent quelque suc / invisible / qu’elles peuvent opposer / de temps en temps / les regards entrent / sans rencontrer d’obstacle /// [orientation horizontale] Il ont pour ce faire / à descendre le long du / clignotement / par les deux cercles de / rides raides / qui poussent inclinés / vers le bas /// Les regards peuvent passer / en pressant contre / les exrêmités plus flexibles / mais / il leur est impossible / de revenir en arrière / car ces extrêmités ne sont / inclinées que d’un côté /// Il se trouve alors / dans une petite chambre / au milieu de la vision même /// et tandis que pris de panique / ils font des efforts pour sortir /// ils se couvrent d’images /// Etant donné que la barrière / en haut / ne peut être franchie / il leur faut descendre / à travers la seconde zone de cils / disposé de la même façon que la première / C’est alors que se révèle / le côté fascinant / de la trappe /// car aussitôt qu’une quantité / d’images / suffisante pour émerveiller l’œil / surgit /// les zones de cils se détendent / se contractent / et finalement se recroquevillent /// [orientation verticale] plus rien dans ces conditions / n’empêche les penseurs / de prendre leur liberté /// Il peut passer / deux ou trois jours / avant qu’ils soient relachés /// [2 double pages photo] /// car / déclancher les images / par petits à-coups / ne suffit pas / pour ouvrir l’œil / (la trappe) /// [4 doubles pages de photo] et la distribution de / non-images / doit se faire /// perpétuellement /// [lettre vierge] /// [double page de photos] /// [lettre vierge] /// [deux double pages de photos] /// [lettre vierge, fin]»
Références
Le texte de l’album est le même que celui de la première publication du «Droit de regard sur les idées», chez Brunidor en 1967, puis des Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 9. Il est scindé en deux volumes dans les albums. Quelques variantes sont à noter.
Variantes majeures
Manuscrit de l’album (gauche) et publication courante (droite):
– «les exrêmités plus flexibles» / «car ces extrêmités ne sont» > «extrémités» (même jeu dans l’album POINT DE LIT-TIGE) ;
– «Il se trouve alors» > «ils se trouvent alors» ;
– «Etant donné que la barrière / en haut / ne peut être franchie / il leur faut descendre / à travers la seconde zone de cils / disposé de la même façon que la première» > paragraphe supprimé.
Si certaines variantes orthographiques peuvent relever de l’erreur – celles-ci ne sont pas relevées –, d’autres s’intègrent dans une systématique qui porte à s’interroger sur le caractère délibéré de la faute. D’autres encore, témoignent d’un parcours du texte dans le temps. Bien que l’album ne soit pas daté, ces remaniements légers démontrent l’antériorité de ces manuscrits sur les premières éditions courantes lancées à partir de 1967 avec la publication chez Brunidor.
Organisation des photographies
35 photographies du Cours Dupanloup.
5 photographies de la Messagerie maritime (dont 4 en double pages).
1 photographie de la Bibliothèque nationale.
7 photographie de l’Ecole Nationale d’Arts et Métiers de Châlons sur Marne.
1 photographie de nouveau du cours Dupanloup.
1 photographie de l’Hostellerie Guillaume le conquérant.
Puis 9 portraits (2 des Missions du Sacré cœur au Rajputana, 1 de femmes blanches jouant à la plage, 2 photos ethniques de femmes arabes, 4 «coquettes» déshabillées).
On note un mélange déstabilisant entre des photographies ethniques (dont l’une de deux enfants indiens affamés) et des photographies de corps de femmes charnues, dont les «coquettes», à l’expression tranquille.
non daté [1962-1967], ex. unique. – 104 p. ; 19 x 15 x 6 cm ; (ø) – album de cartes postales, 52 cartes ; texte autographe, écriture cursive, mine de graphite sur dos de cartes. – couv. percaline crème ; 50 planches, papier fort gris avec encoches. Fonds Ghérasim Luca, donation Micheline Catti ; inv. n° 081 23.
Détails
Album de cartes postales de 50 planches de papier fort gris, deux encoches à chaque coin.
Couverture en percaline crème, gaufrage typographique «cartes postales» et motifs floraux peints (violet, vert, brun), tachée et brunie, dos décollé, volume à demi déboîté, quelques réparations d’époque au scotch sur les encoches arrachés ; gardes papier fort gris.
52 cartes postales des années 1910-1920 réunies en séries suivies de détails de lieux (Bibliothèque Nationale puis Palais de la Femme puis Cours Dupanloup).
Textes autographes, écriture cursive, à la mine de graphite, sur 48 cartes postales retournées (dont une laissée vierge), reproduction de la première moitié du texte homonyme publié par Brunidor en 1967, «illustré par Micheline Catty».
Inscriptions horizontales ou verticales selon l’orientation de la carte en vis-à-vis ; page de titre autographe à la mine de graphite, en lettres capitales ; agencement presque régulier des manuscrits et photographies, avec, pour chaque double page, une carte postale et une carte retournée manuscrite au dos, sauf pour la première avec une carte volante en vis-à-vis du titre, quatre doubles pages réservées aux photographies, et une double page réservée aux textes.
[présentation sur la fiche du vol. 2]
Transcription
«GHERASIM LUCA // DROIT DE REGARD / SUR LES IDÉES // ILLUSTRÉ / DE / TROIS CHAMBRES PEINTES / PAR / MICHELINE CATTY /// Dans une des régions / les plus raréfiées de l’esprit /// où je campais au pied de la lettre /// à une altitude de nul pied /// plane / un petit nombre d’idées / très particulières /// qu’il eût été dommage / de ne pas saisir /// au vol de mes distractions /// [passage à lecture horizontale] Je faillis ne pas les apercevoir / tant elles étaient creuses / au milieu d’oublis / et de vertiges sans noms /// Une d’entre elles / attira notamment mon attention /// non pas pour / la beauté de sa démarche /// d’une indistinction certaine /// [lecture verticale] mais à cause de ses yeux longs et minces / que j’ai pris pour des antennes de sauterelle /// [horizontale] Je me penchais alors /// et reconnus / une de ces idées / à capuchon vert / qui prennent les hommes / au dépourvu /// Elles ne sont pas égarantes / au contraire /// mais le traitement qu’elles font subir / aux penseurs est si étrange / qu’il faut décrire en détail / le dispositif destiné à les capter /// La paupière du milieu / car elle en a plusieurs /// est inclinée en arrière / à la base /// en sorte qu’elle se trouve / tout contre / la paupière supérieure / et lui est partiellement / accolée /// Deux paupières latérales / sont réunies / sur la moitié / de leur longueur /// de manière à former / comme une fourchette / dressée en l’air /// C’étaient les extrémités / effilées de celle-ci / que j’ai pris pour / les antennes d’une sauterelle /// La prunelle encapuchonnée / s’appuie sur elles /// Ainsi tout l’œil de l’idée / se présente dans la position / inverse du regard /// Il semble également / en veilleuse / car il ne s’ouvre que / rarement /// L’acte de regarder / s’accomplit à l’intérieur / de manière fugitive / et constante /// et lorsqu’il s’accomplit / ne fait que s’avancer / entre les fourchettes /// On ne s’attendait certes pas / mais c’est pourtant à cet endroit / que s’est posé naturellement / mon regard / car il n’y a pas d’autre voie / pour y pénétrer /// L’irritabilité / en fut extrême /// Même / le souffle d’une pensée /// ou / un minuscule / battement de cœur /// le font se retirer / à l’intérieur / comme mû par un ressort /// entraînant / le regard du penseur /// et obturant encore plus / la lourde trappe mentale /// A peine aspiré au fond de l’œil / mon regard entreprit / de se frayer un chemin / vers le haut /// Il fait plus clair / au sommet / là où les extrêmités / des paupières / sont repliées / sur elles-mêmes /// C’est sans doute la raison / pour laquelle j’ai pu voir / mon regard ramper / dans toutes les directions / à la fois /// le seul moyen d’y parenir / étant de n’y plus penser /// [double page photos] /// [double page photos] /// Il n’y avait pas beaucoup / d’espace /// à l’intérieur de l’idée /// Un regard / même de toute petite taille / ne progresse qu’avec peine /// et / tout en grimpant / est induit / d’un fluide léger / que ses mouvements secrètent abondamment /// Toute cette étrange manoeuvre / qui recommencera aussitôt / dans l’autre œil /// ne donne lieu / apparemment / à aucun échange de vues /// [double page de textes, «Post Card frith’s series», lettrage imprimé style art nouveau, manuscrit centré, seule occurrence] Il se peut cependant /// que nos regards trouvent / au double fond de l’œil / quelque peu d’une secrétion visionnaire [fin double page] /// [double page de photos identiques] /// Espérons / que cette compensation / au moins / leur soit accordée /// [double page de photos identiques] /// [carte retournée non écrite, rien en vis-à-vis, fin]»
Références
Le texte de l’album est le même que celui de la première publication du «Droit de regard sur les idées», chez Brunidor en 1967, puis des Paralipomènes (éd. Le Soleil Noir, 1976), p. 9. Il est scindé en deux volumes dans les albums. Quelques variantes sont à noter.
Remarques
Sur la troisième carte postale, «GALERIE MAZARINE – Façade sur la rue Vivienne», notation autographe : «où habita Isidore Ducasse» (Comte de Lautréamont, poète dont l’œuvre et l’attitude est très en vogue chez les Surréalistes).
Variantes majeures
Quelques différences avec l’édition au Soleil Noir, reproduite ensuite chez José Corti et Gallimard, détails de graphie (choix ponctuation en lien avec le dispositif, accents, changement léger de conjugaisons ou de syntaxe). Trois changements intéressants, à gauche le manuscrit de l’album, à droit l’édition courante : – «Le dispositif destiné à les capter» > «Le dispositif destiné à les captiver» ; – «Il n’y avait pas beaucoup / d’espace /// à l’intérieur de l’idée» : passage mis entre parenthèses dans les éditions courantes ; – «Un regard / même de toute petite taille / ne progresse qu’avec peine /// et / tout en grimpant / est induit / d’un fluide léger / que ses mouvements secrètent abondamment» > paragraphe remplacé par «Arrivé en haut / il se frotte nécessairement / contre soi-même / et reste le plus attaché / à sa manière de voir / qui n’est plus tout à fait la même».
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